n 2017, dans le cadre du projet Gascogn’Innov encadré par l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), quinze viticulteurs du Gers ont réalisé un diagnostic de la qualité biologique d’une de leurs parcelles, aidés par des chercheurs et des conseillers viticoles. Ces analyses ont porté sur de nombreux paramètres tels que l’abondance et la diversité des lombrics et des nématodes ou encore le test Levabag, qui consiste à mesurer la vitesse de dégradation d’un échantillon de matière organique que l’on enfouit dans le sol. Après cet état des lieux, les participants ont mené sur ces mêmes parcelles des essais de nouvelles pratiques, avant de réaliser de nouvelles analyses en 2022 afin d'en évaluer l'impact.
Au domaine de Séailles dirigé par Julien Franclet, à Mouchan, les analyses de 2017 indiquent un ratio bactéries-champignons qui semble un peu faible compte tenu de taux d’argile et de matière organique de sa parcelle. Pour y remédier, il choisit alors d’épandre 200 kg/ha/an d’un amendement organique censé rééquilibrer le complexe de bactéries-champignons.
Résultat en 2022 : aucune différence significative entre le témoin non traité et la partie traitée. « Il est possible que notre parcelle soit à son optimum, c’est une question qui reste sans réponse, précise le vigneron. Nous sommes certifiés en agriculture biologique depuis 2002. Je sème des couverts végétaux depuis 2010, un rang sur deux avec des légumineuses et une céréale que je change chaque année. Ce projet nous a permis de valider que nos pratiques ne dégradent pas les sols et de nous rendre compte qu’ils sont en bonne santé après vingt ans d’agriculture biologique ! »
A Eauze, François Dargelos n’est pas non plus novice en matière de couverts végétaux puisqu’il en sème depuis plus de vingt ans. Ces engrais verts lui ont permis d’augmenter ses taux de matière organique et de réduire l’érosion, la battance et le lessivage sur sols sablo-limoneux. Malgré cela, ce viticulteur constatait toujours des problèmes persistants d’hydromorphie et une activité biologique reposant trop sur les bactéries, phénomène lié au tassement.
En 2017, sur les conseils de l’IFV, il épand en une fois 50 t/ha de plaquettes forestières sur une parcelle d’un hectare de gros manseng. Un apport qui visait à favoriser les champignons qui, en dégradant le sol, devaient lui apporter une meilleure structure.
« Depuis, j’ai 25 % de vers de terre en plus sur la parcelle, une diversité fongique en augmentation et 0,3 % de matière organique en plus, précise le viticulteur. Et sans changement en termes de rendement et d’azote assimilable dans les moûts. » Convaincu par cette solution, il apporte désormais 12 t/ha de plaquettes tous les cinq ans sur 7 ha, afin de résoudre ses problèmes d’hydromorphie.
Selon Philippe Rudaniecki, responsable du Complexe de Pagès, un établissement et service d'aide par le travail (Esat) qui exploite 17 ha de vignes à Beaumarchés, le résultat est sans appel. « J’ai plus du double de vers de terre dans ma parcelle ! » s’enthousiasme-t-il.
En 2017, il choisit une parcelle de tannat touchée par le court-noué, qui pousse difficilement. « Elle n’avait même pas vingt ans, je ne voulais pas l’arracher », précise-t-il. Après le diagnostic, il sème des couverts végétaux pendant quatre ans. D’abord des céréales, la première année, deux rangs sur trois avec un rang enherbé en permanence. Les années suivantes, il opte pour un rang en féverole et méteil, et le suivant en féverole et céréales, toujours avec le troisième enherbé. En parallèle, il épand du fumier de vache et travaille très peu le sol. Il roule ou broie ses couverts végétaux en fonction de la météo. En 2022, lorsqu’il réalise un test bêche, il comptabilise 25 vers de terre à l’endroit où il n'en trouvait que 11 cinq ans auparavant, et observe des sols beaucoup moins tassés. « La vigne s’est fortifiée, elle pousse mieux, ses bois sont plus vigoureux » établit le vigneron.
« Ce projet nous a permis de constater que certaines pratiques boostent la fertilité biologique des sols, indique Laure Gontier, ingénieure spécialiste de l’entretien des sols à l’IFV Sud-Ouest. L’augmentation du temps de présence du couvert végétal et la diminution de l’intensité du travail du sol vont favoriser la teneur en matière organique, la biomasse microbienne et l’abondance des vers de terre. Seul bémol : il faut énormément de temps pour améliorer la qualité d’un sol. » Les viticulteurs espèrent poursuivre cette initiative avec l’IFV et les chercheurs, pour bénéficier de leur aide dans le décryptage des analyses en fonction l’objectif recherché et des différents types de sol. « Il faudrait faire des analyses tous les cinq ans afin de voir comment nos sols évoluent », souligne le viticulteur Philippe Rudaniecki, qui continue de réaliser des tests de couverts végétaux.