n matière de lutte contre la chlorose ferrique, les choses n’avaient pas bougé, ou presque, depuis l’apparition des chélates de fer voilà des décennies. Jusqu’à ce que Plantalys, une start-up émanant de l'IC2MP, une unité mixte de recherche de l’Université de Poitiers et du CNRS, s’en mêle. Après plusieurs années d’essais dans le Gard puis en Charente, cette start-up a mis au point une solution de rupture commercialisée dès cette année : du fer encapsulé dans des zéolithes et non plus des chélates.
« Les zéolithes sont des minéraux naturels que l’on produit aujourd’hui par synthèse. Ils ont de nombreuses applications dans l’industrie. En revanche, leur utilisation agronomique est nouvelle », souligne Jean-François Chollet, l’un des chercheurs fondateurs de Plantalys.
L’intérêt et les propriétés des zéolithes viennent de leur structure microscopique, en forme de cages, dans lesquelles des molécules peuvent se nicher. Plantalys a réussi à y encapsuler du fer. Or, « les zéolithes résistent aux UV, explique Jean-François Chollet. On peut les apporter au sol sans les enfouir avec des coutres, comme c’est le cas avec les chélates. Cette façon de procéder augmente significativement le débit de chantier. »
Dénommé Plantalys-fer, ce nouveau produit se présente sous la forme de billes sphériques de 1,6 à 2,4 mm de diamètre. Il contient 5,9 % de fer assimilable qu’il libère progressivement pour être absorbé par la vigne. La dose préconisée est de 25 à 30 kg/ha, « pour une efficacité anticarentielle égale à celle des chélates haut de gamme », assure le chercheur. Plantalys conseille d’apporter son produit au démarrage de la végétation, comme tous les chélates de fer. Le coût du produit, de l’ordre de 300 €/ha, est également le même que celui des chélates haut de gamme. La start-up ne communique pas la liste de ses distributeurs. Les vignerons intéressés doivent la contacter directement.
Un autre atout est environnemental. Les zéolithes sont des minéraux. « Une fois que le fer est sorti, il reste un sable insoluble et non polluant », affirme Jean-François Chollet. A contrario, les chélates sont des produits organiques solubles. « Une fois qu’ils ont libéré le fer, il laisse un résidu lessivable, susceptible de solubiliser des métaux lourds qui seraient déjà présents dans le sol et les entraîner dans les nappes phréatiques. De ce fait, on cherche à remplacer les chélates dans de nombreux domaines d’application. Cela pourrait devenir un sujet également en agronomie. »
C’est notamment pour cette question environnementale, que Valagro a entrepris des travaux pour se démarquer sur ce marché très concurrentiel des chélates de fer. Depuis l’an dernier, la firme mène des essais avec la Chambre d’agriculture de la Charente. « Nous testons si un ajout d’Actiwave, un biostimulant actuellement utilisé dans d’autres cultures que la vigne, peut augmenter l’absorption racinaire du fer par la vigne. Ceci dans le but de réduire significativement la dose de chélates de fer », expose Cédric Fortoul, responsable de développement du marché France chez Valagro.
« Les premiers tests en 2022 ont été perturbés par la sécheresse, aussi allons-nous les renouveler cette année », livre Léa Ballorin, conseillère à la chambre d’agriculture de la Charente.
De son côté, Plantalys ne compte pas s’arrêter là. Comme il y a des attentes pour des applications foliaires, la start-up travaille à la mise au point d’un produit à disperser ou à dissoudre dans l’eau, sans zéolithes cette fois, ces derniers n’étant pas solubles.
Pour Fabrice Cabot, responsable agronomique chez Yara, il faut choisir un chélate adapté au pH du sol. « Les formes HBED et EDDHA sont les plus adaptées aux sols à pH élevé, de 8 à 8,5, comme on en trouve régulièrement en Charente ou en Champagne, car, dans ces conditions, elles restent stables. » Il faut ensuite s’intéresser à la concentration en isomères actifs. « La forme isomère ortho-ortho (IOO) comporte 6 liaisons pour retenir l’ion ferrique. Elle est la plus adaptée aux sols à fort pH. Plus sa concentration est élevée, plus le produit convient à des sols très calcaires. » Enfin, on raisonnera au mieux les apports. Dans des vignes très touchées par la chlorose, Fabrice Cabot recommande un premier apport au débourrement et un second en fin de cycle, pour aider à la mise en réserve. « Avec éventuellement des engrais foliaires, dès 5 à 6 feuilles et après la floraison. » Il préconise également de faire une analyse pétiolaire deux à trois fois par campagne, aux stades « boutons floraux séparés » et « véraison », afin d’intervenir en cas de besoin. Christophe Richou, responsable marketing et développement chez Agronutrition, conseille l’apport séparé de mycorhizes tous les deux à trois ans. « En activant le développement des racines, on permettra une meilleure efficience des chélates de fer. »