es deux pays de l’Hémisphère sud étaient à la veille des vendanges lorsque des catastrophes naturelles se sont abattues sur eux. S’il est trop tôt pour évaluer l’étendue des dégâts d’un côté comme de l’autre, on sait que de nombreux vignerons ont été sévèrement impactés. C’est sur l’île nord de la Nouvelle-Zélande, dans les zones viticoles de Hawke’s Bay et de Gisborne, que le cyclone Gabrielle a frappé autour de la mi-février. Il s’agit des deuxième et troisième vignobles du pays, dont la production conjointe a avoisiné 60 000 tonnes en 2022, soit 12% du total national.
La vie, et les vendanges, continuent
« Nous avons un grand nombre d’exploitations dans les deux régions qui n'ont pas été aussi fortement touchés par le cyclone Gabrielle qu’ailleurs, et ces vignerons commencent à vendanger », a insisté Philip Gregan, directeur de l’organisme professionnel New Zealand Winegrowers. « De nombreux producteurs restent positifs et attendent avec impatience un millésime très qualitatif ». Toujours est-il que certains vignerons ont subi des dégâts considérables, à la fois au niveau des vignes et des infrastructures. « Les personnes touchées entament un long chemin pour évaluer les dégâts, entreprendre le nettoyage et envisager leur avenir. Le financement annoncé par le gouvernement cette semaine est un bon début pour faciliter cette reprise, et les futures aides financières qui devraient être annoncées en temps voulu seront appréciées ».
L’équipe de Pernod Ricard Winemakers a réquisitionné un hélicoptère pour apporter du matériel essentiel à la région de Hawkes Bay [Crédit photo : Pernod Ricard Winemakers]
De l’autre côté du Pacifique, les difficultés sont d’une toute autre nature. Depuis début février, quelque 300 incendies se sont déclarés notamment dans le sud du Chili, dans la Vallée d’Itata qui abrite des vignobles tels que Bio Bio et Ñuble, mais aussi dans certains secteurs du Maule, plus au nord. Les chaleurs intenses, de fortes rafales de vent et les faibles précipitations qui caractérisent la saison depuis le mois de décembre ont attisé les feux qui ont tout détruit sur leur chemin. Au total, quelque 450 000 hectares de terres auraient été touchés, dont au moins 300 hectares de vignes. L’intensité des brasiers a été telle que la vigne n’a pas pu jouer totalement son rôle habituel de pare-feu. Si les superficies de vigne concernées restent relativement faibles par rapport à l’envergure des terres touchées, le drame réside plutôt dans le fait qu’il s’agit bien souvent de très petits producteurs, vivant à côté de leurs vignes et qui ont donc tout perdu, habitation et source de revenus. De même, il s’agissait bien souvent de très vieilles vignes, certaines âgées de 150 ans. Le patrimoine perdu est donc inestimable.
D’après l’Association des vignerons de la Vallée d’Itata, environ 80% de la superficie du vignoble dans la province a été endommagée par les incendies, les 20% restants étant inexploitables à cause des goûts de fumée. Ce n’est pas la première fois que la région est touchée de cette manière : de graves pertes ont déjà été subies en 2012, 2014 et 2017. Ces précédents ont certes permis à certains vignerons de mettre en place des stratégies de lutte cette année, mais tous s’insurgent contre les manquements au niveau de la gestion des forêts. Des milliers d’hectares de pins et d’eucalyptus ont été plantés par le secteur forestier dans le centre et le sud du Chili, de petites parcelles de vignes se trouvant souvent au beau milieu. L’absence de gestion des forêts et le non-respect des distances de sécurité par rapport aux habitations et aux infrastructures vitivinicoles rendraient ce type de catastrophe inévitable selon les observateurs. Cette année, s’y ajoutent les problèmes provoqués par la guerre en Ukraine, notamment la flambée des prix des intrants. Les incendies auront donc fini par porter le coup de grâce à certains viticulteurs déjà en difficulté.