’élite des professionnels du vin en Grande Bretagne s’est retrouvée au cœur de la City de Londres pour rendre hommage à Steven Spurrier le jeudi 19 janvier. Le britannique, qui fit la une en 1976 avec sa confrontation des vins français et californiens, "le jugement de Paris", était en effet décédé le 9 mars 2021 lorsque la pandémie empêchait toute réunion. Beaucoup de professionnels résidant en France ont également bravé la grève générale, y compris de nombreux « anciens élèves » qui s’étaient lancés dans le métier grâce à lui. S’il était un dégustateur exceptionnel, il était aussi un communicateur et un passeur de savoir remarquable.
Mark Williamson, restaurateur du Willi’s Wine Bar et de Macéo (Paris 1er), un de ses « anciens » et Sarah Kemp, qui l’engagea au magazine Decanter résumèrent dans leurs éloges la carrière du passionné qui commença son audacieuse carrière en reprenant les Caves de la Madeleine en 1971, avant d’ouvrir la première école de dégustation parisienne l’Académie du vin, avec l’américain Jon Winroth et l’américaine Patricia Gallagher. La dégustation connue sous le nom de "Jugement de Paris" le propulsa en 1976 sur la scène internationale de façon inattendue, puisque les vins californiens l’emportèrent à l’aveugle devant les bordelais rouges et les blancs bourguignons.
Il sut donner ses lettres de noblesse au métier de caviste, puis entre Londres et Paris, il fut consultant pour le grand magasin Harrods et Singapore Airlines, dégustateur et journaliste pour Decanter, créateur du concours Decanter World Wine Awards. Infatigable, toujours enthousiaste et optimiste, il multiplia les entreprises, avec plus ou moins de réussite, comme il le reconnait humblement dans ses mémoires. Alors qu’il avait dépassé la soixantaine, il n’hésita pas à lancer deux projets qui assureront la pérennité de sa personnalité et de son œuvre. Il planta un vignoble dans les terres familiales du Dorset, persuadé que l’assemblage des trois cépages champenois sur le calcaire kimmeridgien produirait de belles bulles. Et il créa une maison d’édition "L’Académie du Vin Library", afin de rééditer des classiques et de publier de nouveaux livres sur le vin.
La cérémonie dans le quartier historique du vin à Saint-James Garlickhythe, prolongée par une réception au Vintners’Hall voisin, siège de la confrérie des professionnels du vin établie en 1363, furent des moments uniques de communion, professionnels, amicaux et chaleureux, comme les auraient aimés Steven Spurrier. Y furent servis l’effervescent du domaine Spurrier, Bride Valley Vineyard et le millésime 2013 de Stag’s Leap Wine Cellars (un des vainqueurs de 1976) que Warren Winiarski son ex-propriétaire avait expédié de Napa Valley, symbole de reconnaissance et d’amitié.