oncentrés sur leurs verres, Jean-Louis Desseinge et Sophie Veyrier, respectivement maître de chai et responsable qualité à la coopérative La Suzienne à Suze-la-Rousse (Drôme), dégustent un côtes-du-rhône rouge. Tous deux sont venus au Vin des Voisins à l’invitation de Laco, le laboratoire de Suze-la-Rousse, pour avoir un aperçu de la qualité du millésime 2022. Ils ont de quoi : Laco a réuni 260 échantillons de vins du Vaucluse, du sud de la Drôme et du Gard.
« Nous avons présenté deux rosés et un rouge en appellation Grignan-les-Adhémar ainsi qu’un côtes-du-rhône rouge et un côtes-du-rhône-villages rouge en cÅ“ur de gamme », annoncent-ils. Pour se comparer aux coopératives jouant dans la même cour que la leur, ils ciblent des cuvées de côtes-du-rhône rouges de plus de 500 hl.
« Dans notre secteur, le millésime 2022 a été compliqué, relève Jean-Louis Desseinge. À partir de juin, nous avons subi quatre mois de sécheresse intense sans aucune goutte d’eau. Les pluies sont arrivées en septembre, mais c’était trop tard, elles ont dilué les baies. Les peaux étaient épaisses. Nous pensions avoir de la couleur. Ça n’a pas été le cas. »
Après leur tour d’horizon, les deux comparses se disent rassurés. « Nous pensions que ces difficultés étaient propres à notre secteur. On s’aperçoit que c’est général. » Les vins qu’ils ont goûtés sont fruités, mais peu concentrés. « On ressent très peu l’alcool et il y a parfois trop d’acidité », précise Sophie Veyrier.
Sébastien Fraychet, l’Å“nologue de la cave coopérative de Vinsobres (Drôme), a fait le déplacement pour les mêmes raisons. « Nos ventes en vrac sont en retard, indique-t-il. Dans ce contexte, il est important d’étalonner la qualité de nos produits par rapport aux autres. »
Sébastien Fraychet (crédit photo Chantal Sarrazin)
Arrivé un peu avant 11 heures, il a commencé par goûter les vins des villages voisins de sa coopérative : Sainte-Cécile-les-Vignes, Suze-la-Rousse, Tulette et Valréas. « Les qualités sont très hétérogènes, souligne-t-il. Certains vins manquent de maturité et ont des tannins rugueux. D’autres, en revanche, présentent des jolies notes de fruits rouges et de fruits noirs avec des tannins fondus en bouche et de la concentration en prime. »
À l’issue de ce tour de piste, il se dit « rassuré » sur la qualité des cuvées qu’il a présentées : un vinsobres rouge, deux côtes-du-rhône, de haut et de cÅ“ur de gamme, ainsi qu’un côtes-du-rhône-villages rouge. « Nous avons de la maturité, expose-t-il. Nous y sommes parvenus grâce au travail d’assemblage entre nos différents cépages et terroirs. »
Max Thomas, propriétaire du domaine Lucien Tramier, 40 ha à Jonquières (Vaucluse), a suivi toutes les éditions du Vin des Voisins. « On se fait une idée de ce que les autres font et on peut rencontrer des courtiers et des négociants », explique-t-il. Cette année, il s’est d’abord intéressé aux côtes-du-rhône d’Orange, de Jonquières et de Travaillan, son secteur.
Max Thomas (crédit photo Chantal Sarrazin)
Il trouve, lui aussi, que le millésime manque d’homogénéité : « Il y a des côtes-du-rhône avec peu de couleur, peu de fruit et peu de matière. À l’inverse, j’ai découvert des cuvées concentrées, avec des tannins enrobés et de beaux équilibres. » Il estime que le côtes-du-rhône rouge qu’il a présenté, une cuvée de 1 200 hl à la vente en vrac, se situe légèrement au-dessus du lot. « C’est un vin à 13,5° un peu plus fruité que ce que j’ai pu déguster, souligne-t-il. Il est friand, croquant : prêt à la vente. »
Le jeune Gaël Reynaud, propriétaire du domaine Saint-Guéry, 30 ha à la Baume-de-Transit (Drôme), vient tout juste de déguster les rosés quand nous le rencontrons pour la première fois. Il veut comparer son grignan-les-adhémar avec les autres rosés de son appellation, des côtes-du-rhône et des IGP Méditerranée. « Il y a du gras, mais ça manque de fruit, estime-t-il après avoir fait le tour de l’offre. C'est dû au millésime, les rendements en jus n’ont pas été exceptionnels pour faire du rosé. »
Gaël Reynaud (Crédit photo Chantal Sarrazin)
Gaël Reynaud pense avoir reconnu son vin dans le lot. Un 100 % cinsault obtenu par pressurage direct et vinifié à 10 °C. Il le juge un peu supérieur aux autres car plus aromatique et plus pâle. « Nous avons reçu la pluie le 17 août, quinze jours avant les vendanges, les baies en ont profité », précise-t-il.
La dégustation touche à sa fin. Nous croisons à nouveau Gaël Reynaud. Cette fois, il s’est fait une opinion des vins rouges. « Il y a pas mal d’acidité alors qu’on craignait d’en manquer, observe-t-il. Le Gard s’en est mieux sorti que nous. J’ai dégusté des vins mûrs et épicés. » Ravi d’avoir pu se situer par rapport à l’offre du moment, il prévoit déjà de revenir l’an prochain.
Le Vin des Voisins s’est tenu le 12 janvier à la salle des fêtes de Suze-la-Rousse. Cet événement est organisé par Laco, le laboratoire de Suze-la-Rousse, avec ses filiales que sont Laco Rolland, dans le Gard, et le laboratoire Mouriesse à Châteauneuf-du-Pape, dans le Vaucluse. Chacun d’entre eux convie ses clients à présenter des échantillons de leur millésime et à venir déguster la production de leurs collègues. Cette année, les vignerons et coopératives ont présenté 260 échantillons, 12 % de plus que lors de la précédente édition en 2019. Les vins proviennent de cinq départements : Ardèche, Drôme, Vaucluse, Gard, Hérault et Bouches-du-Rhône. Les bouteilles sont dégustées à l’aveugle. Sur l’étiquette figure la dénomination, le volume de la cuvée et le secteur de production. Si elle possède une pastille rouge, c’est qu’elle est disponible à la vente. Les intéressés peuvent demander au laboratoire de lever l’anonymat sur les bouteilles. Au producteur d’accepter ou non.