ochon qui s’en dédit. Une grogne carabinée commence à monter dans le vignoble bio : des négociants réduisent ou annulent des contrats, parfois conséquents, d’achat de vins bio en vrac auprès de caves coopératives et particulières du Languedoc, du Rhône, de Bordeaux... Un début de retournement de marché qui était prévisible pour les oiseaux de mauvais augure, soulignant l’explosion des conversions, et donc de l’offre, par rapport à une demande ne suivant pas cette dynamique, et ralentissant même avec les enjeux de pouvoirs d’achat. Pour les chantres d’un développement durable de la filière viticole, on tempère une crise certes annoncée, mais qui serait conjoncturelle et non structurelle. On se rassure en rappelant que la vente directe est au cœur des commercialisations du bio, on s’échauffe en regrettant que les interprofessions ne participent pas à la valorisation du vignoble bio, mais on craint surtout de subir une douche glacée alors que les investissements sont conséquents pour réussir la transition vers la viticulture biologique.
En bout de rang, on entend déjà parler de lots de bio qui vont être déclassés pour être écoulés au plus vite (si le marché est baissier, autant ne pas attendre demain…), de contrats signés en bio avec des prix s’approchant dangereusement du conventionnel (même si les tendances et demandes sont différentes entre les vins blancs, plus porteurs, et les vins rouges, toujours dans le dur). Si la tendance se confirme, la question sera de savoir si dans les prochains mois la crise des vins bio sera plus importante que celle qui touche déjà des pans du vignoble conventionnel. Car avec l’augmentation des coûts de production, l’effet ciseau sur la rentabilité des exploitations sera encore plus forts en bio (entre la flambée du fioul et le nombre de passage en tracteurs, et l’augmentation des salaires, alors que ces vignobles demandent plus de main d’œuvre).
Entre dévalorisation du bio et convergence vers le prix du conventionnel, la filière pourrait perdre un repère rassurant. Avec la remise en cause d’une boussole de son verdissement. C’est un constat qui semble aujourd’hui indépassable : vendre du vin en bio ne suffit plus. L’AB n’a plus le monopole des labels verts, même s’il s'agit de loin de la certification la plus connue des consommateurs. Alors que les prochains mois s’annoncent difficiles pour la certification Haute Valeur Environnementale (HVE, avec un risque non négligeable de cessation de labellisation), le bio est poussé à se remettre en question. L’allégement du bilan carbone, l’écoconception des emballages, la protection de la vie du sol sont des sujets ayant pris de l’importance pour toute la filière, et sont aussi des enjeux à intégrer pour le bio. Si les vignerons peuvent toujours plus, il faut évidemment que les acheteurs et les consommateurs en acceptent le prix. Si l’avenir du bio se construira pour certains entre mieux-disance des engagements environnementaux et moins-disance des prix, il n’y a qu’une certitude pour le futur immédiat de la filière des vins AB : elle rentre dans une zone de turbulence et il y a urgence à ce que tous jouent la solidarité pour en préserver la valeur ajoutée.