e temps. C’était le mot clé de cette inauguration du vingt-neuvième salon Vinitech-Sifel ce 29 novembre à Bordeaux. D’abord un temps de retrouvaille, depuis la dernière édition 2018 en présentielle (le covid ayant digitalisé l’évènement en 2020). Mais surtout un temps de réflexion sur le difficile l’équilibre à trouver entre l’urgence d’adapter le vignoble aux multiples changements actuels et la nécessité de tester les nouvelles pratiques avant de les adopter et déployer.
Rappelant les enjeux actuels (climatiques, commerciaux…), Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, résume dans une allocution filmée que les « innovations supposeront des évolutions du cadre réglementaire relatif aux appellations d’origine et indications géographiques, qui représentent 95 % des volumes produits en France. Elles devront permettre une plus grande souplesse d’adaptation et l’intégration de processus d’expérimentation au sein des cahiers des charges sans pour autant toucher les fondamentaux de ce qui fait la force des appellations, à savoir le lien au terroir et le caractère différenciant des produits et leur typicité. » Soit une nouvelle forme du "en même temps".


« La viticulture française est à la croisée des chemins. Tant nous avons à faire en matière d’innovation, d’attentes sociétales et d’économie. Le dérèglement climatique peut fédérer les trois » confirme à la tribune Bernard Angelras, le président commission technique scientifique et innovation de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Pointant les remises en question de l’INAO sur les Variétés d’Intérêt à des Fins d’Adaptation (Vifa), le vigneron des Costières de Nîmes y voit un modèle d’expérimentation pour « permettre d’encadrer et accélérer l’expérimentation au sein de nos appellations, en conformité avec la définition des appellations d’origines ». Pour Bernard Angelras, « ce modèle d’expérimentation VIFA peut être déployé pour d’autres enjeux car il n’est pas dogmatique et qu’il est probatoire », sachant qu’« il n’y a pas de solutions évidentes, définitives et universelles », mais qu’il « est nécessaire de les évaluer ».
Un temps d’essai parfois à négocier. Comme avec la demande de moratoire des Jeunes Agriculteurs sur l’agrivoltaïsme. « Aller vite, c’est l’antithèse de faire bien » indique Julien Rouger, membre du bureau des Jeunes Agriculteurs. Pour le viticulteur en Charente-Maritime, l’intérêt pour des ombrières photovoltaïques doit être validé par des tests, mais l’artificialisation des panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles doit être bannie : « chaque chose en son temps, faut savoir de quoi on parle. Prendre en compte enjeux locaux ». Président de l’association France Agrivoltaïsme, Antoine Nogier défend une ligne de crête : « il faut aller vite et bien », sachant que « les décisions prises aujourd’hui seront impactantes pour 2050. Où l’on verra 2022 comme un climat frais, alors que c’est l’un des millésimes les plus chauds. »
S’il faut définir préalablement le cadre des travaux d’adaptation pour permettre leur bonne adoption, l’urgence climatique pousse à des adaptations rapides dans le vignoble. Comme la philosophie de l’encépagement et l’intégration des cépages résistants aux cahiers des charges AOP. Comme le rapporte Bernard Farges, le président du Comité National des Interprofessions du Vin (CNIV), la perception du sujet a évolué en quelques années face à la pression sur la réduction des intrants phytosanitaires. En cours d’intégration auprès des syndicats viticoles le souhaitant, « les variétés résistantes ne bouleversent pas les AOC. Les vigneron et gestionnaires AOC sont attentifs, ça se fera très progressivement dans un cadre contraint : trop pour certain, révolutionnaire pour d’autres » note le viticulteur de l’Entre-deux-Mers.
« Nous n’avons plus le choix de ne pas avancer, notre seul objectif doit être d’apporter des solutions à nos viticulteurs , toujours dans une démarche de progrès » résume Bernard Angelras, soulignant l’importance de préserver « un modèle économique viable, seul gage de réussite pour assurer la pérennité de nos exploitations ». Au final, le temps reste toujours de l'argent.