Kees Van Leeuwen : En effet, la taille en gobelet est le système le plus résistant à la sécheresse et aux températures élevées, et tout le monde semble l’ignorer ! On trouve des articles scientifiques sur tous les modes de conduite, sauf sur la taille en gobelet. On a parfois l’impression que "le gobelet, c’était la taille du grand-père, et qu’il faut aller de l’avant !". Or, en matière d’adaptation à la sécheresse, il faut s’inspirer de ce qui marche dans les régions chaudes, comme dans l’appellation Cariñena en Espagne, plutôt que de céder à la facilité de l’irrigation. La contrainte hydrique n’est pas un problème pour la production de vins rouges de qualité si le matériel végétal et les modes de conduite sont adaptés aux conditions sèches.
Avec le gobelet, le feuillage protège bien les grappes de la chaleur, sans que ces dernières soient enfouies dans une végétation trop épaisse, comme cela peut être le cas dans des vignes larges et vigoureuses conduites en espalier. Concernant la contrainte hydrique, la vigne en gobelet est le plus souvent conduite à des densités moyennement faibles, de 3 500 à 4 000 ceps/ha. À ces densités, la surface foliaire par hectare n'est pas très élevée. L'interception du rayonnement est donc quelque peu limitée. Or, c'est l'interception du rayonnement qui tire la transpiration. De ce fait, la vigne transpire moins – en quantité d'eau par hectare –, elle est donc plus économe des réserves en eau du sol.
Oui, c’est vrai. Le principal inconvénient est l’impossibilité de vendanger à la machine. Tant qu'on n'aura pas développé une machine à vendanger adaptée au gobelet, les viticulteurs continueront à l'arracher. On dépense des millions pour développer l’irrigation, on devrait pouvoir consacrer un budget pour travailler avec des constructeurs sur ce projet. C'est vraiment la clé pour la pérennité des gobelets.
C’est une réponse à court terme. On augmente ou on maintient ses rendements avec l’irrigation, mais dans dix, vingt ou trente ans, quand la question de la répartition de l’eau va se poser, la vigne passera logiquement après les cultures vivrières ou les centrales nucléaires. Et on aura alors un vrai risque de disparition de la vigne dans certaines régions et une perte de savoir-faire millénaire. Nous sommes plusieurs scientifiques à avoir publié une tribune à ce sujet dans Le Monde du 12 octobre.
Non, c’est le système extensif par excellence, avec un rendement faible, peu d’intrants et un faible coût de production. Ce n’est pas, bien sûr, la réponse à tout. C‘est un système qui est très vertueux écologiquement car on peut facilement se passer de désherbant en faisant un griffage croisé. Son modèle économique convient bien aux régions où le foncier ne coûte pas trop cher et où la vigne arrête de pousser vers la mi-juillet. La conduite en gobelet pourrait même devenir un argument commercial en mettant en avant son caractère durable.
Oui, la baisse de la densité des vignes palissées peut être une autre option. J’ai été, il y a vingt ans, un adepte des fortes densités. J’ai changé ma position avec l’élévation des températures et l’augmentation des périodes de sécheresse. Je ne recommande pas 3 000 pieds par hectare partout. Il n’y a pas de réponse unique. Dans les régions où le prix du raisin n’est pas très élevé, la baisse de densité, de rendement, de surface foliaire, de coûts de production et de besoins en eau est une option intéressante.
Le 110 Richter est très résistant à la sécheresse et il est qualitatif. Il pourrait être utilisé dans les sols pauvres et graveleux de Bordeaux par exemple. Dans les situations plus extrêmes, le 140 Ruggeri est encore plus résistant au stress hydrique que le 110 Richter. Ces porte-greffes garantissent, par ailleurs, un très bon niveau de rendement. Dans le cadre du dispositif « Écophysiologie et génomique fonctionnelle de la vigne », ma collègue Elisa Marguerit teste 55 porte-greffes étrangers, dont une petite moitié n’est pas homologuée en France, pour voir si certains sont intéressants à prendre.
Sans surprise, le grenache se comporte très bien en situation de stress hydrique, de même que le mourvèdre, le carignan et le cinsault. À l’inverse, le tempranillo, le merlot ou la syrah ne sont pas tolérants à la sécheresse. Il faut choisir son cépage selon la réserve utile du sol.
Bien sûr ! Il représente 65 % de l’encépagement en rouge car il va bien dans tous les sols. D’ici vingt ans, il faudra probablement faire baisser cette proportion à 50 %, au profit du cabernet franc et du cabernet sauvignon. Autrefois ces deux cépages mûrissaient difficilement. Ce n’est plus le cas.