Bernard Campan : Sans refaire le gag, le film le montre d’une certaine manière. Il y a d’un côté l’alcool qui peut être bon quand il permet d’élever l’esprit et de passer de bons moments avec d’autres personnes. Il peut être mauvais quand il tombe dans l’excès et l’alcoolisme.
Pour ne pas assumer son problème avec la boisson, le totem d’immunité de votre personnage est de dire que "le vin n’est pas un alcool" comme les autres.
Lui a un problème avec la bouteille, avec l’alcool. Il est alcoolique sans l’assumer. C’est une chose que j’ai entendu, que « le vin n’est pas un alcool ».
Un ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, le disait même en 2019. Le film montre que la question est complexe...
Ce n’est pas simple. Le vin est un symbole. C’est le sang du Christ. C’est la totalité de ce que peut faire l’Humanité : pour aboutir à du vin, il faut la culture, la récolte… Dieu du vin, Dionysos est celui qui est né deux fois : parfois présenté comme un pochtron, il symbolise magnifiquement le raffinement. Je me souviens d’avoir bu de très bons vins et l’on n’avait pas envie d’en boire beaucoup tellement on s’élevait.
Dans la Dégustation vous interprétez de nouveau un personnage de caviste à l’écran, après celui de Se souvenir des belles choses : pensez-vous avoir la tête de l’emploi ?
Le rôle que j’ai le plus interprété, c’est celui de prof. Venant d’une famille d’enseignants, je m’interroge… Être de nouveau un caviste est une sorte de hasard. Dans Se souvenir des belles choses, mon personnage recouvrait la mémoire grâce à un blind test. Lors d’une avant-première, une dame malade nous a dit avoir perdu le goût et retrouver celui du vin en regardant le film, c’était très touchant.
Quelle est l'origine de votre relation aux vins : familiale ou plus tardive ?
J’ai découvert l’alcool assez tard. J’ai commencé vers 25 ans, avec de l’alcool en boîte. Je n’aimais pas l’alcool, mais son effet. A 30 ans j’ai découvert de bons vins. Les Bordeaux me correspondaient le plus Je m’étais constitué une cave, mais il faut être organisé : pourquoi boire de moins bons vins quand on en a de très bons ? Je n’arrivais pas à constituer une cave et cela m’est passé comme cela coûtait cher. J’ai de grands souvenirs de vins de Bordeaux : le château Pape-Clément (cru classé de Graves) et le château Lynch-Bages (cru classé en 1855 à Pauillac)… J’ai décollé avec Lynch-Bages, un 1989 je crois, on le savourait et ça durait une minute en bouche de vagues différentes de goûts et d’arômes. Je ne suis pas un spécialiste, mais j’aime beaucoup Bordeaux et Pauillac.
Si vous avez abandonné votre cave, vous ne serez donc pas un acteur achetant un vignoble ?
Je ne saurais pas faire ! Déjà que chez moi j’ai du mal à tenir mon potager… Je m’y suis remis à trois reprises… Je ne suis pas suffisamment amoureux du vin pour en faire, mais je l’aime suffisamment pour en boire.
Vous avez dû être ravi lors de la dégustation du château Haut-Brion dans la Dégustation…
Pendant le film, c’est le seul moment où l’on a dégusté un vrai vin. Lors des scènes de la dégustation, on ne pouvait pas boire de vrais vins pendant deux jours de tournage du matin au soir… Nous n’aurions pas tenu… Pour la scène où Jacques (mon personnage) apprend à regarder les larmes du vin à Steve (joué par Mounir Amamra), il fallait du vrai vin pour voir les larmes. Il n’y avait pas à jouer : c’était du bonheur. On dit souvent qu’au cinéma on triche : c’est vrai, mais là on boit un excellent vin et il n’y a pas à se forcer.