onseillère viticole bio depuis 15 ans à la Chambre d’Agriculture du Var, Garance Marcantoni ne cache pas sa lassitude d'entrendre parler de baisses de rendement lors des conversions.
« Il faut arrêter avec cette idée que passer en bio fait perdre en rendement. Elle a la vie dure, mais le phénomène est vraiment marginal quand la conversion AB est bien préparée » insiste-t-elle.
Réalisant une vingtaine de suivis par an dans des exploitations aux profils très variés, « du retraité qui achète 1 ha en loisir, à l’Anglais qui investit dans 600 ha, en passant par le coopérateur qui en gère 10 », Garance Marcantoni n’a vu des échecs que chez des personnes manquant d’accompagnement, « ou n’ayant par exemple pas de chef de culture expérimenté au bon moment ».
Pour la conseillère, les rendements n’ont pas baissé du fait des conversions bio, mais du passage d’une logique très productiviste dans les années 1980-1990 à une logique qualitative. « En bio ou pas, tous les viticulteurs sont passés d’un trop à un manque d’azote ».


Dans le Sud-Est, la fertilisation est le nerf de la guerre. « Je préconise un bilan azoté et des corrections à mes viticulteurs presque chaque année » témoigne Garance Marcantoni. Sur la façade atlantique, la conseillère rapporte que des viticulteurs ont parfois enherbé trop brutalement leurs vignes pour limiter la vigueur et la pression mildiou. « Comme chez nous, ils ont eu des soucis avec l’azote ».
Technicien pour Agrobio Périgord, Eric Maille confirme que les viticulteurs bien accompagnés lors de leur conversion ne vont jamais dans le mur. « Sinon je ne ferai pas ce métier depuis des années ! »
En 2007, quand Eric Maille a réalisé sa première enquête sur les rendements, la pression mildiou était telle que nombreux prédisaient zéro récolte aux bios. « Finalement, ces derniers s’en sont souvent mieux tirés que les conventionnels ».
Avançant les mêmes arguments de Garance Marcantoni, le technicien rappelle que les viticulteurs du début du siècle parvenaient à sortir 120 hl/ha sans désherbants chimiques ni produits phytosanitaires de synthèse. « Ils n’étaient pas certifiés, mais travaillaient bien en bio et faisaient de grosses récoltes grâce aux tonnes de fumier qu’ils mettaient dans leurs parcelles ».
En Dordogne, où plus de 30 % des vignes sont certifiées, le rendement moyen en bio tourne désormais autour de 40 hl/ha. « En plus de moins fertiliser, beaucoup ont copié la mode bordelaise de taille à 6 yeux baguette à plat alors que nos densités de plantation sont plus faibles. Mais les viticulteurs bio vendent souvent en direct, avec de bonnes marges, et ils n’ont pas besoin de produire plus pour tirer un revenu décent de leur activité » assure Eric Maille.
Pour leur éviter les déconvenues, le technicien les fait anticiper leur conversion. « Par exemple, dans les vignes qui ont toujours été désherbées et fertilisées chimiquement, où les racines ne vont pas plus loin que 15 cm, nous ne passons au mécanique qu’un rang sur deux, en travaillant à 3 voire 4 cm maximum de profondeur. Cette transition dure deux ans. Cela laisse le temps à la vigne de refaire son système racinaire en lui laissant la possibilité d’aller chercher ce dont elle a besoin du côté désherbé chimiquement ».
En bio comme en conventionnel, Garance Marcantoni prône une approche systémique de la viticulture pour ne pas pousser la plante au-delà de ses limites et lui permettre de faire des fruits. « En plus de la fertilisation ou de la gestion des maladies, cela passe par le repos après l’arrachage ou la taille non mutilante ».