n arpentant la parcelle la plus touchée par la grêle du domaine de Villeneuve, à Claret, dans l’aire d’appellation Pic Saint-Loup, le président de la chambre d’agriculture de l’Hérault Jérôme Despey a répété la nécessité d'adapter le dispositif assurantiel, mais a également souligné un impact indirect, mais non moins important, des aléas climatiques. « Nous nous trouvons sur une exploitation au sein de laquelle les deux enfants ont décidé de s’installer cette année. Tout leur dossier d’installation est budgétisé sur la prévision de récolte 2022. La voilà déjà lourdement amputée », tranche-t-il.
Sur le domaine géré par Anne-Lise Fraisse, rejointe cette année par ses enfants Victorine et Thibaut au sein d’une SCEA, le constat des dégâts est sans appel. Sur les 65 hectares de la propriété, 24 ont été endommagés à environ 50 % par la grêle, dont une parcelle atteinte à 90 %. Alors que le préfet de l’hérault Hugues Moutouh assure les vignerons et l’auditoire de la mise en place des moyens dont il dispose pour aider la filière face à ces aléas imprévus, notamment l’arrêté permettant d’acheter des raisins, il interroge sur la rentabilité de récolter une parcelle lorsque les dégâts sont trop marqués. Anne-Lise Fraisse lui répond du tac au tac. « Nous sommes vignerons donc nous récolterons quoi qu’il arrive pour sauver ce qui est récupérable. Même s’il y a beaucoup moins que prévu, nous devons continuer à fournir nos marchés, ce n’est pas juste une question de récolte de l’année », appuie-t-elle.
Les dégâts sur grappes, bois et feuillage ont touché 24 ha à 50% - OB
Ses vignes sont assurées mais comme beaucoup de vignerons, elle a choisi de ne fixer qu’un minimum de rendement par parcelle pour soulager sa cotisation assurantielle. « Chaque parcelle est assurée individuellement avec un volume de production que nous avons établi bas pour ne pas nous retrouver avec des cotisations trop lourdes. Malheureusement l’indemnisation sera ajustée sur ce rendement et ne couvrira pas les pertes occasionnées par la grêle », déroule Anne-Lise Fraisse. C’est avant tout pour ses enfants que la propriétaire du domaine de Villeneuve émet des inquiétudes car, comme le souligne Jérôme Despey, « contrairement au gel, la grêle a également un impact sur la production de l’année suivante, qui n’est pas assurée ».
« Alors que nous entrons à peine dans l’installation, nous devons déjà à faire face à une situation handicapante pour la stabilité du revenu financier de l’exploitation », souligne Victorine Fraisse. Avec son frère, elle s’est associée dans la SCEA familiale autour d’un projet installation comprenant l'apport de nouvelles parcelles rachetées dans le secteur, divers investissements d'agrandissement des installations du domaine, et le démarrage de la 1ère année de conversion vers le bio à compter du mois d’août 2022. Alors qu'ils sont revenus travailler au sein de l'exploitation depuis 2019, leur projet d'installation a été déposé en juin 2022, pour être définitivement validé avant la prochaine vendange.


« Nous savons déjà que nous ne réaliserons pas les investissements planifiés dans les 4 ans de ce projet d'installation, mais pour recevoir nos aides, il faut réaliser au moins 50% des investissements prévus», souligne Victorine Fraisse, « entre la perte de franchise et le plafond d'indemnisation, le revenu de l'assurance sera très loin de ce qu'aurait rapporté la récolte. L'expert nous a également expliqué que les assurances tablent sur 15 ans sans aléa pour rentabiliser une indemnisation, or nous avons déjà été grêlés en 2016, les prochains cotisations vont donc inévitablement augmenter ». Elle souligne en outre que les frais de culture vont nécessairement augmenter avec les interventions supplémentaires (traitements, taille...) sur les parcelles endommagées. Les deux jeunes vignerons savent également que les avances sur cultures sont indispensables au bon fonctionnement d'une exploitation agricole, et n'envisagent déjà aucune rentabilité dans les 4 premières années. Le baptême du feu est sévère.
Trois jours après l'épisode, les entrecoeurs repartent, laissant espérer une reprise rapide de l'activité physiologique de la plante - OB