Vinification

Densios suit la densité du moût en direct

n 2019, l'équipe dirigeante du Château Léoville Las Cases, à Saint-Julien-Beychevelle, a lancé un projet de nouvelle cuverie à livrer pour les vendanges 2023, sous la supervision d'Umberto Marino, son maître de chai. « Avec ce projet, nous doublerons le nombre de cuves, pour isoler un plus grand nombre de lots en vinification. Dans cette perspective, il nous fallait trouver un moyen d'optimiser la prise de densité, tâche qui mobilise un opérateur deux fois par jour. J'ai donc cherché des solutions d'automatisation de cette mesure », déroule-t-il.

En 2019, le densimètre Densios n'existe pas encore. C'est donc avec le dispositif Winegrid que l'équipe technique de Léoville Las Cases entame, en 2020, ses premiers essais de mesure automatisée de la densité. La technique se révèle « fiable et précise, mais reste trop chère et ne mesure pas la température », situe Umberto Marino.

Umberto Marino, maître de chai du Château Léoville Las Cases (crédit photo DR)

La proposition de la société Onafis by My Bacchus de mettre à l'essai son nouveau densimètre connecté Densios pour la campagne 2021 tombe donc à point nommé. Pour tester le Densios, le château équipe deux cuves à l'occasion des vendanges 2021, dans l'objectif d'étalonner et valider le procédé. « À l'arrivée, nous n'avons jamais eu plus de 3 points de différence de densité entre Densios et le mustimètre traditionnel. C'est parfaitement fiable », note Umberto Marino.

À Pauillac, Julien Arnaud, responsable recherche et développement chez Artémis domaines, a lui aussi a testé deux densimètres connectés Densios lors des vendanges 2021. « Nous avons équipé deux cuves au Château Latour dans l'objectif de comparer les mesures prises par le Densios avec les valeurs obtenues par la méthode habituelle de prise de densités au mustimètre », présente-t-il. Contrairement à son confrère, Julien Arnaud a relevé des écarts entre les deux mesures sur une des deux cuves testées, mais elles ne sont pas imputables au densimètre. « La longueur du bras auquel était fixé le densimètre n'était pas modulable, donc pas dans la zone idéale de prise de densité. Ce problème est à présent réglé par le fabricant avec un bras modulable », explique-t-il.

Julien Arnaud, responsable R&D chez Artémis Domaines (crédit photo DR)

Les deux responsables insistent sur l'obligation de disposer d'une connexion internet fiable dans le chai. « Pour transmettre leurs mesures, les densimètres doivent avoir accès à un bon réseau Wi-Fi. Nous avons donc installé un répéteur pour amplifier le signal », note Julien Arnaud.

À l'utilisation, tous deux ont apprécié le confort apporté par l'automatisation de la mesure de la densité. « Outre, le gain de temps, on obtient un suivi très fin avec des courbes alimentées chaque heure, au lieu de deux fois par jour. C'est la même chose pour la température. Cela permet une réactivité accrue dans la gestion des fermentations, en identifiant plus vite un ralentissement ou un arrêt, par exemple », décrit Julien Arnaud. Umberto Marino abonde : « Le fait d'avoir une densité mise à jour chaque heure permet une parfaite réactivité dans la prise de décisions œnologiques. Par défaut, la fréquence de prise de densité se fait par heure, ce qui est déjà beaucoup, mais il est possible de paramétrer cette fréquence à volonté, selon les objectifs recherchés, comme un mutage par exemple. » Et vante par la même occasion la disponibilité pour d'autres tâches de l'opérateur habituellement dédié au contrôle manuel des densités dans le chai.

Des alertes sur téléphone peuvent aussi être programmées, si les valeurs relevées s'éloignent de la baisse de densité attendue. Toutefois ni Julien Arnaud ni Umberto Marino n'ont testé cette possibilité.

« Le dispositif est facilement déplaçable de cuve en cuve, mais ça n'a que peu d'intérêt car cela mobilise alors un opérateur, comme pour la prise de densité classique, observe Umberto Marino. Une autre façon de rentabiliser ces sondes serait de faire deux fermentations par cuve. Mais ce n'est pas notre cas », car la propriété ne procède qu'à des cuvaisons longues. « Le Densios se révèle précieux pour suivre les fins de fermentation car nous fermons les cuves lorsque la densité atteint 1000, en utilisant le CO2 généré pour inerter naturellement la cuve que nous laissons macérer jusqu'à la fin des sucres », décrit le maître de chai du château Léoville Las Cases.

L'entretien ne présente pas de difficultés particulières, « car il suffit de nettoyer la crépine de protection autour du capteur lorsqu'on vide la cuve », explique Julien Arnaud. De la même manière, le dispositif est facilement transposable d'une cuve à une autre.

S'il se réfère aux seuls critères d'optimisation du travail et de praticité d'utilisation, Julien Arnaud n'hésiterait pas à choisir cette solution pour sa cuverie. Cependant, « il faudra bien peser la validation de l'investissement définitif car c'est un matériel qui n'est utilisé que quelques semaines par an », admet-il. Il renouvellera donc l'essai sur quatre cuves cette année. « Nous testerons même cette solution de manière un peu plus poussée avec l'intégration de ce suivi automatique dans l'interface My Bacchus », approfondit-il. Umberto Marino a également planifié un nouvel essai sur deux cuves en bois et deux en inox, qui, là aussi, se révélera déterminant dans le choix d'un investissement pour les 80 cuves du nouveau chai livré pour les vendanges 2023. « Nous voyons un tel investissement comme un complément de prise de décision à long terme. Cela faciliterait la création d'une base de données des densités et températures pendant plusieurs années, dans le but, à terme, d'anticiper les décisions œnologiques et les itinéraires techniques de fermentation », élargit Umberto Marino, qui n'hésite pas à voir très loin?