« Chimie, matériel agricole, génétique… Le besoin en capital de l’agriculture conventionnelle est tellement important que l’on a des difficultés à rémunérer le travail. Moins on aura besoin de capitaux, mieux on pourra rémunérer le travailleur » pose Stéphane Le Foll, l’actuel maire du Mans, intervenant en tant qu’ancien ministre de l’Agriculture* ce 2 juin lors du premier forum international sur le sol vivant de Moët Hennessy à Arles. Ayant promu l’agroécologie dans les politiques publiques de 2012 à 2017, l’élu socialiste prône donc « un système où j’utiliser ce que donne la nature avant de chercher à investir du capital dans la chimie ou le matériel ».
Ajoutant que « si on est intelligent, si techniquement on est au point, on peut se passer d’une partie de la chimie parce que l’on est capable d’utiliser tout ce que nous permet d’avoir l’écosystème. C’est ça la révolution qui est en train de se produire, qui émerge doucement, trop lentement, mais qui doit émerger pour pouvoir changer ce fameux modèle » traditionnel. Voyant dans l’agroécologie une synthèse entre deux antagonistes (l’agriculture conventionnelle qui « conduit à des impasses de pollution, de diversité… » et le bio « qui a la vertu de montrer que l’on peut produire en agriculture sans chimie »), Stéphane Le Foll estime que cette approche permet « de rendre compatible l’enjeu de la production agricole avec la question environnementale ».


« Le pire défaut du système conventionnel, c’est qu’il s’est affranchi complétement de toutes les contraintes, parce qu’il les vivait comme ça, et de tous les atouts, que pouvait nous apporter la nature » ajoute l’ancien ministre, développant l’idée qu’en homogénéisant les variétés cultivées pour en développer la productivité et imposant une pression phyto, « la base de la biodiversité sur laquelle on s’appuie » a fini par se réduire à peau de chagrin ». Ce qui pousse à « utiliser de plus en plus de chimie pour compenser les concurrences naturelles qui me font défaut. Cette agriculture conventionnelle avait fait fi de tout et son contraire : la nature dans ses écosystèmes naturels permet de toujours avoir un parasite contre un autre parasite (biocontrôles et phéromones, c’est la nature qui nous l’offre). Il faut toujours utiliser la nature pour concurrence les espèces qui nous semblent les plus nuisibles. Sauf qu’avec la chimie, on s’est dit plus de problème, il n’y a plus à gérer de concurrence. »
Si cette approche agricole table sur un open bar assez idéal, où la Nature offre l’équilibre entre production et environnement, atteindre cet état de système cultural plus autonome et résilient demande des investissements et des connaissances qui restent encore à affiner pour la concrétiser. « Dans toute logique politique, il y a une thèse, une antithèse et il faut essayer de faire une synthèse » explique Stéphane Le Foll. En espérant que ces perspectives ne restent pas de belles hypothèses.
* : « Quand je suis arrivé comme ministre et que je parlais d’agroécologie, j’ai des ingénieurs, extrêmement compétents, qui m’avaient dit un jour "monsieur le ministre, votre concept est-ce qu’il ne serait pas un peu gazeux ?" pour eux c’était tellement nouveau, qu’ils devaient se dire c’est un ministre, il va passer et il y aura le suivant on oubliera tout ça. Pas de chance, je suis resté 5 ans, le plus longtemps de toute la République française » se souvient Stéphane Le Foll.