épiniériste rebelle, Lilian Bérillon achève de s’émanciper : il vient de racheter le domaine de la Motte, 86 hectares de terres labourables sur une île, d’alluvions et de sable, sur la commune de Villeneuve-lès-Avignon (Vaucluse). Soit toute la terre nécessaire à une gestion du repos du sol en toute autonomie après l’arrachage d’une pépinière de vigne pour Lilian Bérillon (qui possède désormais quasiment 200 ha de terrain). « Je préfère maîtrise le foncier pour que le sol puisse se reposer 6 à 7 ans (contre 4 ans réglementaires) » indique l’enfant terrible de la pépinière française, qui n’a plus besoin de louer des terres pour son activité.
« Je serai le seul pépiniériste à tout produire » avance-t-il, parachevant sa mue vers une production résolument artisanale de plants de vigne. Âgé de 50 ans, Lilian Bérillon s’est installé en 1998, prenant la suite de son père et de ses grands-parents pépiniéristes. C’est en 2003 qu’il décide de rompre avec les pratiques usuelles de la pépinière : « j’ai commencé à prendre conscience du végétal. J’ai claqué la porte de l’industrialisation pour reprendre des gestes anciens et oubliés ». Précisant que tous les modèles ont leurs vertus, le pépiniériste fait le parallèle entre productions de plants et de vin. Pour lui, « il existe deux viticultures, chacune respectable. D’un côté la viticulture de masse, qui fait des volumes et fait attention aux prix. De l’autre la viticulture de qualité, de terroir. » Et pour la pépinière, « il faut choisir son camp : on ne peut pas fournir toute la viticulture ».
Avec une approche de pépinière de précision (attentive aux détails des « gestes » et rétive à la mécanisation généralisée), Lilian Bérillon souhaite produire des plants de vigne pouvant vivre cent ans*. « Aujourd’hui, les plants mis en terre ne tiennent pas le coup. La viticulture de masse peut payer des plants à petit prix pour les arracher au bout de 20 à 30 ans. Moi, je décide d’adapter ma production de plants pour une viticulture de qualité » théorise le pépiniériste, qui ne veut pas produire des plants de luxe pour les nantis, mais pour les vignerons « attentifs ».
Dans les faits, ses plants sont vendus autour de 5 € l’unité, et il pourrait encore monter à l’avenir, loin des prix d’entrée de gamme (inférieurs à 1,5 €/l’unité). Pour Lilian Bérillon, « il faut arrêter de parler de prix. Soyons raisonnables, quand on regarde l’impact du prix, cela représente 10 à 15 centimes par bouteilles pour un vignoble amorti sur 80 ans. »
* : Ce qui implique une bonne qualité de plants, mais aussi une préparation de la parcelle, une densité adaptée, etc.