e la modulation d’apport d'engrais au suivi automatique des travaux viticoles, les offres de viticulture de précision sont pléthoriques lors de la matinée des clusters Innovin et Vinseo ce 6 avril à l’école de Purpan (Toulouse). Mais si les outils existent pour aider les vignerons à gagner en temps et efficacité, leur déploiement est loin d’avoir la rapidité d’adoption que souhaiteraient leurs développeurs.
Exemple avec l’outil électrique* de détection des contaminations au mildiou des vignes 8 jours avant l’apparition des symptômes développé par la start-up bordelaise Vegetal Signals. Une fois l’outil développé, « les difficultés ont commencé, comme on ne savait pas trop quoi faire de cette information » explique Fabian Le Bourdiec, fondateur de Vegetal Signals, qui travaille depuis trois ans sur ce sujet. Sollicitant des vignerons, « on nous a dit qu’en termes de traitements, c’est sympa de savoir que la maladie est présente avant l’apparition de symptômes, mais comme la maladie est déjà présente, c’est trop tard avec des traitements phytosanitaires qui travaillent plutôt en préventif. » Pour donner une véritable valeur ajoutée à son outil, la start-up souhaite identifier des produits phytos classiques ou des biocontrôles pour voir si un traitement dans les 48 heures suivant le diagnostic serait efficace.


« La question, c’est est-ce que l’on arrive à valoriser toute cette accumulation de capteurs et de données ? » résume Simon Moulieras, le responsable R&D de la start-up Greenshield, spécialisée dans la réduction d’intrants phytosanitaires. « Pour l’instant, c’est un peu compliqué. Ce n’est pas pour des raisons fondamentales, mais de modèle économique » ajoute le chercheur, estimant que « pour pouvoir arriver sur marché il faut pouvoir proposer une valorisation concrète sur le terrain. Arriver à dire qu’avec telles données on peut avoir telle connaissance et réduire les phytos. »
Entre souhait des actionnaires de valoriser des technologies de rupture et réalité du terrain où les vignerons veulent essayer l’outil dans leurs parcelles pour être convaincu de son utilité avant de valider une commande, la marge commerciale est difficile à équilibrer pour les start-ups. Le juge de paix restant la signature, ou non, d’une commande ou d’un abonnement. « En tant que prestataire de services, ce n’est pas toujours très facile de valoriser le gain apporté » Zacarie Kerrim, directeur technique de Vineview France, qui développe des cartes de modulation d’apport d’engrais, et souligne que « l’économie en engrais, ça a du sens depuis cette année et les prix qui explosent, mais derrière il y a des gains de rendements, d’efficience, qui ne sont pas forcément chiffrables ».
Ces difficultés économiques au déploiement de la viticulture de précisions n’empêchent pas les start-ups d’imaginer de nouveaux outils révolutionnaires. Ainsi Fabien Poujol, ingénieur d’affaires pour R&D Vision, note que des capteurs UV permettent de savoir si un épandage est correctement fait, que le proche infrarouge permet de détecter l’humidité de la feuille de vigne, qu’avec le terahertz il est possible de contrôler la densité d’un cep sans le détruire et voir s’il est malade… Ne manquant pas d’idées, la viticulture de précision a de beaux jours devant elle. Reste à savoir quand ils deviendront rentables.
* : « Avec des électrodes, on suit notamment les dépolarisations transitoires des membranes cellulaires. Dès qu’il se passe une chose dans la vie de la plante, cela laisse une trace » explique Fabien Le Bourdiec, ajoutant que « la technologie s’inspire de l’électroencéphalographie humaine pour suivre l’activité électrique des plantes avec des outils permettant d’identifier des motifs et l’état du végétal » .