ans le Midi, les Laboratoires Dubernet bousculent le suivi des Brettanomyces. En deux ans, ils en ont fait une analyse de routine, au même titre que les paramètres classiques (degré, pH, acidité, SO2…). « La boîte de Petri et l’analyse PCR ne répondent plus aux enjeux actuels. Nous avons mis au point une méthode plus pertinente », annonce Matthieu Dubernet, le directeur dirigeant de ces laboratoires présents dans le Languedoc et la vallée du Rhône.
Cette méthode, c’est la cytométrie 3D/m. Avec cette nouvelle technologie, « on s’est aperçu que les Brett sont naturellement présentes sur les raisins et dans les vins rouges, blancs et rosés, et qu’elles font partie de la biodiversité du milieu. Mais il faut pouvoir les contrôler et intervenir avant l’apparition des phénols volatils. La cytométrie 3D le permet », assure Matthieu Dubernet.
À la cave coopérative de Gruissan, le directeur Frédéric Vrinat en est convaincu : « Depuis les vendanges 2020, je contrôle tous mes rouges pendant les vinifications. Je suis particulièrement vigilant quand les fermentations sont languissantes. Jusqu’à 103 Brett par ml, nous n’intervenons pas. Au-delà, on envisage un traitement : filtration tangentielle, pasteurisation ou ajout de chitosan. Auparavant, nous ne faisions pas de contrôle systématique car les analyses étaient chères ou leurs délais trop longs. Avec la cytométrie 3D, on a le résultat en 48 heures et pour un prix raisonnable. »
Depuis qu’il dispose de ce contrôle, il n’a plus de vins phénolés, alors qu’avant, des déviations se produisaient toujours sur une ou deux cuves. « Je fais aussi le suivi de mes vins en barriques. Cette année, on a trouvé des seuils trop élevés dans 4 barriques sur les 200 que nous avons entonnées. Pourtant, à la dégustation, nous n’avions rien décelé. Nous avons traité ces barriques au chitosan avant d’atteindre le point de non-retour. »
À la coopérative de Camplong, dans l’Aude, Pierre Compan, le maître de chai, est tout aussi enchanté. « Jusqu’ici, nous ne suivions pas les Brett, car les analyses PCR sont coûteuses. Or, quand on décèle un problème à la dégustation, c’est trop tard. On utilise très peu de SO2. Avec ce suivi en routine, on peut intervenir dès que la population augmente : on sulfite et on anticipe la filtration tangentielle que nous réalisons de toute façon avant la mise en bouteille. C’est un traitement plus précoce, pas un de plus. Il n’y a pas de surcoût. »
Assistant œnologue chez M. Chapoutier, Simon Mérah teste l’outil depuis 2020 sur ses vins rouges après la malo. « Comme cette technologie est nouvelle, nous l’utilisons en doublon avec le suivi en boîte de Petri que nous avons l'habitude de pratiquer. La cytométrie 3D décèle des Brett qui n’apparaissent pas avec la boîte de Petri. Au début, c’était inquiétant car on en trouvait partout. Mais on s’est aperçu que 102 cellules par ml, ce n’est pas alarmant. Nous intervenons au-delà de 103 cellules vivantes par ml ou 104 cellules VNC (viables non cultivables). Et dès qu’on trouve des Brett, on resserre les contrôles et on analyse les phénols volatils. La cytométrie est-elle fiable à 100 % ? Nous manquons de recul pour le dire. C’est pourquoi nous maintenons des contrôles classiques. Mais nous sommes satisfaits d’avoir cet outil supplémentaire. »