Ce n’est pas aux agriculteurs de payer de leur vie la facture des aléas climatiques répétés et traumatisants. Nous vous demandons d’agir, dès maintenant, nos campagnes ont déjà essuyé suffisamment de frames et beaucoup vont encore se jouer dans les mois à venir sans action forte et significative » écrit dans une lettre au président de la République, Emmanuel Macron, le vigneron ligérien Quentin Bourse, du Sot de l’Ange (12 hectares en bio et en appellation Azay-le-Rideau). Installé en 2015, le vigneron enchaîne depuis les dégâts de gelées : en 2016 il a quasiment tout perdu avec 79,5 % des bourgeons à fruits touchés, en 2017 les dégâts étaient de l’ordre de 91 %, puis de 67 % en 2018 et 98 % en 2021 (causant 88 % de pertes de récolte). Parallèlement, une autre ligne augmente : les coûts de son assurance climatique, signée auprès de Pacifica (Crédit Agricole).
Partant d’une première prime de 12 000 € à l’installation (avec la bonification des jeunes agriculteurs), son coût se stabilise à 25 000 € (avec également une croissance des surfaces), mais il explose avec l’annonce, lors d’un appel téléphonique, d’une hausse de 82 % du contrat en 2022 (pour un montant global de 48 000 €). Hurlant littéralement de rage, Quentin Bourse ne décolère pas face à la flambée de son assurance (contrat d’indemnisation du capital, avec 22 000 € par hectare et une franchise de 10 %). Si Pacifica n’a pas donné suite aux sollicitations de Vitisphere, un observateur du vignoble ligérien estime que le cas du Sot de l’Ange est atypique : « on n’est pas sur une explosion généralisée. Un cas particulier est toujours difficile à étudier de l’extérieur, mais les hausses, très fortes, sont de l’ordre de 30 % pour les primes sur les régions Centre-Loire et Pays-du-Val-de-Loire. Comme annoncé depuis des mois par les assureurs. »


Pour Quentin Bourse, « on n’a pas à subir ça : la boule au ventre. Parce que ni la banque, ni l’État n’assument le risque climatique. C’est le syndrome de la terre brûlée. On n’a pas à être responsable. » Le vigneron témoignant d’une pression trop lourde mise sur les épaules des vignerons en particulier, et des agriculteurs en général. Alors que de suicides endeuillent le vignoble et restent tabou, Quentin Bourse met les pieds dans le plat : « tous les copains ont la boule au ventre, certains ont fait une connerie et d’autres y pensent. Je suis un agriculteur, je demande à ce que mes amis et amies arrêtent de se buter. »
Précisant ne pas être à plaindre (« mon domaine marche »), le vigneron se trouve face à deux options qui sont pour lui des impasses : régler une assurance récolte le mettant dans le rouge ou s’en passer avec un risque insoutenable sur le millésime. « Dans les deux cas, je saute. J’ai d’autres solutions avec des propositions d’autres assurances. Mais ça ne résout que mon problème, pas celui des autres » indique Quentin Bourse. Ayant une vision affirmée de son métier, le vigneron revendique sont intransigeance : son but est de faire de la qualité. Face aux propositions extérieures d’augmenter le prix de ses bouteilles ou de baisser les salaires de ses employés, il rétorque que ce n’est ni aux clients, ni aux salariés de payer le risque climatique. D’où cette interpellation d’Emmanuel Macron : « parler à quelqu’un aux affaires, c’est symbolique ».