as d’autorisation de vol pour les phytos. En 2022, des drones pourront toujours survoler les vignobles, mais sans le traiter. Achevée en 2021, l’expérimentation de trois années dans des vignobles de fortes pentes n’a été ni reconduite, ni validée dans son bilan faute d’avis de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) d’après les éléments communiqués par les représentants de l’État ce vendredi 4 février, lors d’une réunion à la Chambre d’Agriculture d’Alsace. La dérogation française s’étant achevée fin 2021, revient l’interdiction de traitement aéroporté de la directive européenne 2009/218/CE du 21 octobre 2009 sur le développement durable. Malgré ce blocage réglementaire, restent les résultats de ces trois années d’expérimentations nationales pour alimenter les souhaits d’autoriser les drones… Et regretter que le sujet n’avance toujours pas malgré l’impatience du vignoble, notamment alsacien (avec 900 hectares de vignes en fortes pentes). Car à entendre les résultats d’essai, les drones n’ont des impacts que positifs sur la situation actuelle.
Également mené en Ardèche et en Champagne (voir encadré), le projet d’essai d’Épandage par Drone dans le Vignoble (EDVIG) témoigne d’intéressantes améliorations en termes de conditions de travail des salariés. Par rapport aux traitements par atomiseur à dos et chenillard, les enjeux de fatigue musculosquelettiques sont moindres, tout comme les bruits (un silence également appréciable pour les voisins). Comparé à un chenillard, un drone ne présente pas de risque de renversement. Les drones réduisent logiquement l’exposition par une pulvérisation déportée du lieu où se trouve l’opérateur. Qui reste cependant exposé à moindre dose, probablement par effet de dérive.
Mais en matière de technologie de traitement, les drones sont aujourd’hui opérationnels précise Xavier Delpuech, chef de projet spécialisé dans la pulvérisation à l'Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). L’ingénieur agronome souligne cependant que la pulvérisation aérienne cause un gradient de dépôt décroissant du sommet vers la base de la végétation (« la zone des grappes est difficile à atteindre »). L’expert languedocien appelle à la vigilance pour l’encadrement de la floraison et sur le reste de la saison en cas de forte pression (avec « probablement le besoin de compléter par des passages au sol »). Mais à part cette réserve, Xavier Delpuech indique que la qualité de puvérisatione est comparable aux autres techniques (sous réserve de réglages, notamment des buses, mais aussi des altitudes et vitesses de traitement).
S’appuyant sur ces bons résultats techniques, les viticulteurs alsaciens présents à cette réunion et travaillant en fortes pentes appellent à une évolution rapide de la réglementation. Afin d’améliorer leurs conditions de travail, dégradés depuis l’interdiction soudaine des épandages par hélicoptères (vécue comme « brutale et sans solution »). La dangerosité de ses traitements n’est pas théorique, l’un des vignerons faisant état de renversements qu’il a subi, pas seulement dans le cas d’importantes pentes, un devers pouvant suffire.


« En matière d’accidentologie, d’expositions aux produits, de conditions de travail… Il n’y a pas photo sur le fait que le drone est une vraie réponse » souligne Pierre Jardon, chargé du dialogue social à la CFTC. Soulignant que les expérimentations permettent d’objectiver les performances du drone, le syndicaliste souligne que « la CFTC, représentante des salariés, n’acceptera pas de voir continuer à envoyer les salariés au casse-pipe, alors que l’on voit aujourd’hui une solution alternative. On appelle les acteurs publics à leurs responsabilités. »
Même volontarisme pour les autres représentants de la filière. « Nous nous battrons et nous obtiendrons gain de cause » rassure Denis Nass, le premier vice-président de la Chambre d’Agriculture d’Alsace, soulignant que « le seul résultat qui comptera, c’est permettre l’autorisation de l’utilisation de cet outil. […] Nous continuerons à nous battre dans l’intérêt de nos jeunes. Nos opérateurs n’ont pas à subir ces conditions de travail parce que l’on est bloqués en termes législatifs. »
Partagé par les parlementaires présents, cet objectif de résoudre la situation n’est pas neuf. Et ne manque pas d’exaspérer parmi les soutiens du drone. « Quelle énergie doit-on déployer quand on voit que c’est quelque chose de bon sens » soupire le député Jacques Cattin (Les Républicains) « J’ai vu trois ministres successifs, à chaque fois ils m’ont dit la même chose : si ça dépendait d’eux, ça serait réglé. Mais il y a trop de chapelles qui s’en mêlent (dont la sécurité civile…) » ajoute le négociant, qui se fâche face au souvenir d’accidents ayant endeuillé le vignoble alsacien : « je suis fatigué, c’est désolant de travailler aussi longtemps sur une avancée technologique pour la protection de nos salariés. »
Suivi par la Fédération National des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), ce dossier des traitements phytos par drone pourrait évoluer grâce à la prochaine révision de la directive européenne de 2009 sur les phytos (et le projet d’autoriser la pulvérisation par drones comme une technique de traitement au sol). S’il n’y a aucun espoir pour autoriser les traitements en 2022 (attente d’une évaluation de l’ANSES oblige), un rétablissement d’une dérogation française ou la création d’une autorisation nationale existent pour 2023 (mais seulement après les prochaines élections législatives).
* : Le programme avait pour objectif de quantifier les performances de pulvérisation et de dérive des drones, ainsi que les impacts sur la santé et la sécurité des opérateurs.
Dans le vignoble, des essais de traitements aéroportés ont également été menés en Ardèche et en Champagne. Où les drones semblent avoir fait leurs preuves. « Les résultats sont hyper positifs, avec un bémol sur l’efficacité quand il y a une forte pression de mildiou. Mais des passages terrestres en alternance permettent de résoudre le problème » indique Michel Jacob, à la tête des champagnes Serge Mathieu à Avirey Lingey (18 hectares de vigne en bio, dont 8 ha à plus de 40 % de pente). Se revendiquant fan de drone, le vigneron champenois estiment qu’ils cochent toutes les cases : écologiques (en termes de bilan carbone), agronomiques (pas de tassement du sol), sociétales (moins de bruit et quasiment pas de dérive), sociales (moins de pénibilité pour les salariés). Face à cette année blanche, « je peste contre cette lenteur épouvantable. Il y a une vraie demande du vignoble, c’est incontestable. En Suisse et en Autriche ils font voler des drones et nous en sommes à nous poser la question de l’autoriser… » regrette Michel Jacob, dont les drones voleront en 2022… Et traiteront ! « Nous allons mener des essais de pulvérisation de préparation de biodynamie. En toute légalité, comme les drones peuvent voler avec des produits sans Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) » indique le vigneron, dont les expérimentations seront suivies par la Chambre d’Agriculture de l’Aube. « Il est possible de réaliser d’autres expérimentations avec des drones que des traitements phytos. Il n’y a pas d’interdiction lorsqu’il n’y a pas d’AMM » confirme Sophie Buléon, l’animatrice de projets en cultures pérennes à la Chambre d’Agriculture de l’Ardèche, qui n’a pas prévu de tels essais pour sa part. Pour la suite des traitements par drones, « on en saura plus en fin d’année. Si l’on peut continuer sur des essais ou si la réglementation évolue » conclue la technicienne.