C'est la première fois qu'une telle expertise est mise au service d'une plateforme de commercialisation du vin », se félicite le créateur et PDG de Pix, Paul Mabray. Cet outil bénéficie non seulement d’un financement à la hauteur de ses ambitions – qui est de devenir la plateforme numéro un mondial pour le vin – mais aussi d’un aréopage de communicants, de professionnels, d’experts en vins et de techniciens numériques, sans parler des chefs de file en matière de sciences comportementales et d’expérience utilisateur. Paul Mabray n’en est pas à son premier coup d’essai en matière de vente de vins en ligne : il a déjà fondé deux entreprises, Inertia Beverage Group (devenu WineDirect.com) et VinTank.com, qui ont profondément modifié le paysage numérique pour le vin aux Etats-Unis. Il a également collaboré avec les géants que sont Wine.com et WineShopper.com.
Mais c’est finalement la pandémie qui l’aura décidé à concevoir une plateforme inédite, où ses utilisateurs ont été mis à contribution. « Nous avons tous suffisamment d’expérience pour savoir que nous n’avons pas toutes les réponses. Ce sont nos utilisateurs qui ont conçu la plateforme dans sa forme bêta fermée. Nous avons testé des concepts, adopté ceux qui fonctionnaient et abandonné ceux qui ne fonctionnaient pas. C'est une approche fondamentalement opposée à celle qui consiste à dire "je sais tout sur les recherches en matière de vins et de leur adéquation avec les attentes des consommateurs" ». L’inspiration transversale de la plateforme tranche aussi avec les codes classiques : « nous avons surtout cherché l'inspiration ailleurs que dans le vin, sur des plates-formes qui relient les utilisateurs à des livres, des podcasts, des films et de la musique. Nous avons parlé aux personnes qui ont créé ces plateformes pour comprendre comment elles ont abordé la découverte d'un produit à longue traîne comme le vin ».
Il aura fallu onze mois pour arriver à la version bêta ouverte, désormais accessible. « Pour être honnête, nous sommes partis d'un postulat très différent de celui des autres plateformes », poursuit Paul Mabray. « Nous sommes là pour valoriser une activité que nous aimons, le vin, et non pour être des "perturbateurs"... Imaginez-vous chez un caviste. Celui-ci vous dit : "Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?" Et vous répondez : "Je cherche…" C’est exactement ce qui est indiqué dans la barre de recherches… C’est à cette question ouverte que Pix cherche à répondre ».
S’inspirant des éléments meta des listings de films sur Netflix, les descriptions se focalisent sur trois aspects clé d’un vin pour le décrire brièvement : « les mots sur la texture plaisent aux gens. Le premier aspect porte sur le toucher d’un vin comme riche, élégant ou frais. Puis, le deuxième se réfère au goût, comme cassis, cerise ou épice pour leur donner une idée générale de la saveur. Et enfin, il y a le mot "histoire", pour aider les gens à s’imaginer comment ils vont apprécier le vin (comme "un dîner entre amis"). Nous savons également que les gens s’intéressent de plus en plus près à la manière dont un vin est élaboré et donc ce dernier groupe pourrait comporter des termes comme "femme œnologue". »
Ces mots clés revêtent une importance capitale, car ils font partie intégrante du business model de la plateforme. En effet, si l’inscription sur le site est gratuite, l’achat de mots clés par les opérateurs va constituer l’essentiel de ses revenus, du moins dans un premier temps. Là aussi, l’inspiration vient d’ailleurs : « tout comme Google, Instacart, Amazon, Etsy et d'autres entreprises qui tirent parti de l'achat de mots clés, cette méthode est fructueuse car elle est efficace ». Pour Pix, il s’agit d’une source inépuisable de combinaisons possibles, selon les occasions, les vins, les marchés etc. En revanche, aucune publicité ne sera disponible, car elle entrainerait « un conflit d’intérêts ».


Tout en s’appuyant sur l’intelligence artificielle, Paul Mabray se défend d’avoir créé une plateforme entièrement focalisée sur la technologie et met l’accent sur une contribution humaine indispensable : « utiliser des algorithmes pour prédire les goûts des gens, c’est encore de la foutaise. Tous ces tests de goût ridicules, c’est de la science de pacotille. Mais nous pouvons comprendre le comportement des consommateurs en créant un outil efficace qui les aide au point de vente ». Un Master of Wine maison « éduque la machine » sur les différents aspects du vin, leur relation entre eux et la manière de les organiser. « Nous ne pensons pas que le secteur du vin soit homogène. Nous ne pensons même pas qu'un seul consommateur soit uniforme dans son comportement. Vous pouvez boire du rosé l’été, du Chianti l’hiver, du Prosecco le mercredi et du Champagne le dimanche. C'est la raison pour laquelle nous procédons à des ajustements fins, en fonction du consommateur individuel et de ses préférences uniques ».
La plateforme est déjà lancée aux Etats-Unis – « en tant que principal marché mondial du vin en valeur » - et sera bientôt disponible au Royaume-Uni et au Canada ; d’autres marchés suivront. « La croissance du vin en ligne va continuer à s'accélérer », prédit son fondateur. « C'était une fatalité qui a été accélérée par le Covid. Je m'attends à ce que ce circuit connaisse une croissance et un niveau d’innovation phénoménaux au cours des dix prochaines années ».
D’après The IWSR, suite aux confinements successifs, les consommateurs se sont habitués à acheter des boissons alcooliques en ligne, ce qui a modifié leur façon d’aborder ce circuit. « Ils sont devenus plus enclins à expérimenter dans leur choix de produits, à commander de façon plus régulière et à monter en gamme, pour acheter des références plus chères et en série limitée », note l’analyste Guy Wolfe. L’élargissement du public acheteur, une envie renforcée d’obtenir plus de renseignements sur les produits qu’ils achètent et une plus grande curiosité, sont autant de traits qui caractérisent les acheteurs en ligne post-pandémie. « Les analyses d’audience montrent que les recherches focalisées sur "le moins cher" baissent tandis que celles portant sur "les meilleurs" augmentent », note Sam Simmons de la plateforme de commerce électronique Master of Malt.