ans une réponse écrite à une question formulée en juillet dernier par plusieurs députés européens, dont les Français Eric Andrieu et Irène Tolleret, le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski annonce que la Commission va procéder à la publication de la demande dans le Journal Officiel, estimant qu’elle était conforme « aux exigences en matière de recevabilité et de validité ». Si les professionnels et politiques italiens dénoncent une tentative de parasitisme visant à profiter de la renommée internationale du Prosecco, le commissaire européen ne l’entend pas de cette oreille.
Il affirme que « dans la mesure où une homonymie totale ou partielle avec une indication géographique déjà protégée serait invoquée comme motif d'opposition, il convient de faire observer que l'homonymie à elle seule n'est pas considérée comme un élément suffisant pour le rejet d'une demande. Deux mentions homonymes peuvent coexister dans certaines conditions, notamment en tenant dûment compte des usages locaux et traditionnels et des risques de confusion pour le consommateur ». Or, côté italien, on invoque le fait que le terme « Proek » constitue la traduction en slovène de Prosecco, et qu’une telle autorisation créerait un précédent dangereux, en laissant entendre « que la protection des AOP et des indications géographiques protégées (IGP) dans l’Union Europénne peut facilement être contournée au moyen de systèmes parallèles tels que les mentions traditionnelles ».
Il faut dire que, côté profil, les deux boissons n’ont rien en commun. Le Proek est un vin doux issu traditionnellement du sud de la Dalmatie et élaboré à l’aide du passerillage, pour lequel Zagreb avait déjà essayé d’obtenir une protection en 2013, lors de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. A l’époque, la Commission avait considéré que son utilisation pouvait être contraire à la protection de la DO italienne Prosecco, et qu’il fallait tenir compte d’éventuels homonymes. « Nous savons très bien que la prononciation de Prosecco et de Proek est tellement ressemblante qu’elle peut être trompeuse », s’insurge Riccardo Ricci Curbastro, président de la Federdoc. « Ce n’est pas suffisant de dire qu’il faut lire l’étiquette, constater les origines différentes et ainsi de suite, nous savons tous très bien à quel point un mot assonant devient identifiable dans l'imaginaire collectif… ».
Les Italiens sont d’autant plus sensibles à la protection du Prosecco, que celui-ci génère quelque 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour plus de 620 millions de bouteilles vendues, la moitié d’entre elles à l’export. Soit 16 % des exportations totales. Comme le souligne l’organisme agricole Coldiretti, les bulles italiennes ont bien souvent été la cible de tentatives peu scrupuleuses pour profiter de leur notoriété. Et de citer des exemples tels le Meer-secco, Kressecco, Semisecco, Consecco et Perisecco en Allemagne, le Whitesecco en Autriche, le Prosecco en Russie et le Crisecco en Moldavie. Sans parler de la revendication de plusieurs pays producteurs, dont l’Australie, qui souhaitent continuer à utiliser la dénomination, affirmant qu’il s’agit d’un nom de cépage. De son côté, le député européen croate Tonino Picula, qui a reçu une lettre de la part du Commissaire européen confirmant l’autorisation de publier la demande, veut y voir un combat à la David et Goliath : « La protection de Proek est aussi une question de relations envers les petits et les moyens pays membres de l'UE ». Dès que la demande croate sera publiée dans le Journal Officiel, l’Italie aura deux mois pour présenter une opposition motivée.