’aucuns diront que le hasard sait être malicieux. Ce 8 mars s’ouvrent deux procédures décisives pour l'avenir du classement des vins de Saint-Émilion. D’un côté l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) lance aux propriétés de la rive droite son appel à candidature pour le classement décennal de 2022 (« les dossiers de candidature sont à retirer sur place au site INAO de Bègles » jusqu’au 30 juin 2021). De l’autre, le tribunal judiciaire de Bordeaux ouvre le procès du classement de 2012 pour étudier les possibles prises illégales d’intérêt visant deux propriétaires ayant siégé à l’INAO, Hubert de Boüard de Laforest et Philippe Castéja (cliquer ici pour en savoir plus). Annoncée sur une journée entière, cette audience doit être l’évènement judiciaire de l’année pour le vignoble de Bordeaux. Du moins s’il n’y a pas de renvoi à la rentrée.
« Sans préjuger de ce que va décider le tribunal, nous envisageons en effet de transformer l'audience du 8 mars en audience relais » indique la vice-procureur Marianne Poinot. La chef du pôle économique et financier du Tribunal Judiciaire de Bordeaux ajoutant qu’« il nous est apparu que le délai d’un jour était sûrement très insuffisant [et] j'ai compris que la défense entendait "en profiter" pour faire une demande de QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) ».


« L’audience du 8 mars ne sera qu’une audience relais, le procès sera renvoyé » indique maître Jean-Yves Le Borgne, la défense de Philippe Castéja. Le ténor parisien ne souhaite pas dévoiler sa QPC pour le moment, ni préciser quand il la déposera. Mais « nous ne sommes pas demandeurs d’un renvoi, ni moi ni l’avocat de Hubert de Boüard » souligne Jean-Yves Le Borgne, ne comptant pas être présent au tribunal lundi prochain.
Ce 8 mars, « l’audience va potentiellement être renvoyée » avance avec plus de prudence maître Éric Morain, la défense des trois châteaux non-classés en 2012 qui ont lancé cette procédure pénale (ainsi que son volet administratif). Pour l’avocat parisien, ses adversaires gagnent du temps avec l’évocation d’une QPC et de témoins à convoquer en audience : « ça s’appelle jouer la montre ». Maître Éric Morain sera présent lundi avec ses clients : « ce n’est pas que cela dure depuis huit ans que l’on peut attendre six mois de plus ».
S'il se confirme, « ce renvoi n'arrange pas du tout le parquet de Bordeaux qui n'est nullement gêné par ce dossier et qui appréciera "en droit" ce qu'il convient de requérir » ajoute la vice-procureur Marianne Poinot, qui précise qu'« il n'y a aucune malice, juste l'idée de faire le mieux possible ». Qu’elle soit brève ou sans fin, l’audience du 8 mars va permettre de voir comment la chambre correctionnelle va prendre ce dossier et les coups qui vont avec. Ce qui permettrait d’esquisser une réponse à l’interrogation que d’aucuns commencent à poser : le tribunal de Bordeaux veut-il du procès du classement de Saint-Émilion ?