Notre objectif est de faire du marché chinois un marché du monde, un marché partagé par tous et un marché accessible à tous ». L’ironie des propos du Président Xi Jinping, prononcés lors de la cérémonie d'ouverture de l’exposition internationale des importations en Chine, qui se tient du 5 au 10 novembre à Shanghai, n’aura sans doute pas échappé aux opérateurs australiens. Depuis le mois d’août, ils vivent sous la menace chinoise de mesures anti-dumping et de droits compensatoires, des rumeurs d’embargo sur certains produits australiens ce 5 novembre ayant fait monter la tension d’un cran. Ce même jour, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a défendu sa politique, indiquant que les mesures étaient « conformes à la réglementation chinoise et aux pratiques internationales » de même qu’aux termes de l’Accord de libre-échange entre la Chine et l’Australie. Ce qui laissait supposer une mise en œuvre imminente. Or, ce 9 novembre, le ministre australien du Commerce, Simon Birmingham, s’est voulu rassurant : « Ce que nous avons pu constater ces derniers jours grâce à une surveillance accrue, c'est que certains échanges ont continué à circuler. Il existe des problèmes et des préoccupations…Mais le type de rumeurs suggérant une interdiction générale totale ne semblent pas, à l'heure actuelle, s'être concrétisées et nous continuons de voir certaines expéditions traitées avec succès par les douanes chinoises ».
Pour autant, les entreprises australiennes restent extrêmement préoccupées et commencent à prendre des mesures de précaution. Dans un communiqué du 4 novembre, Treasury Wine Estates s’est inquiété d’une requête soumise par la China Alcoholic Drinks Association (CADA) auprès du ministère chinois du Commerce (MOFCOM) pour que toute importation de vin australien en récipients de moins de 2 litres soit assujettie à des droits de douane à effet rétroactif, dans le cadre de l’enquête anti-dumping. Même si TWE n’a pas reçu de notification officielle à ce sujet, la société annonce avoir suspendu sa procédure de scission de Penfolds. « Nous avons décidé d'interrompre officiellement les travaux visant une scission afin de nous focaliser sur nos principales priorités, notamment la commercialisation en période de COVID, la restructuration de notre activité aux Etats-Unis et plus particulièrement l'enquête du MOFCOM en Chine », a déclaré Tim Ford, directeur de TWE, lors de l’assemblée générale de l’entreprise le 5 novembre. Pour sa part, son président Paul Rayner a réitéré l’importance du marché chinois au sein du groupe, affirmant que l’enquête « ne modifie pas notre engagement à long terme en Chine, qui reste un marché prioritaire ».
TWE est présent en Chine depuis le milieu des années 90 et continue d’y engranger de beaux résultats, y compris lors des fêtes d’automne cette année et notamment la Golden Week début octobre. Plus globalement, la Chine est devenue un moteur de croissance extraordinaire pour les vins australiens depuis la mise en œuvre de l’ALE. La valeur des exportations est passée de 330 millions AUD en 2014 (203 M€) à 1,2 milliard en 2019 (740 M€). Une montée en puissance tout aussi impressionnante qu’inquiétante. « Les caves australiennes doivent se préparer à un avenir qui implique une dépendance beaucoup moins forte sur le marché chinois » ont estimé les experts australiens Roberta Crouch et Nathan Gray dans une tribune récente. Et d’y invoquer également l’impact psychologique d’une enquête anti-dumping : « Il existe encore la perception d’un écart de qualité entre les vins fins australiens et les vins de France ou d'Italie, non seulement en Chine mais sur la plupart des principaux marchés d'exportation de l'Australie. Par conséquent, une accusation de « dumping » ne fera qu’exacerber les fortes perceptions encore présentes sur de nombreux marchés étrangers, selon lesquelles l'Australie produit des vins d’entrée ou de milieu de gamme… »