Dans son allocution expliquant la mesure, le président Ramaphosa a insisté sur la nécessité de libérer des places hospitalières face au développement de la pandémie du Covid-19. « Afin de préserver la capacité des hôpitaux, la vente et la distribution d’alcool seront suspendues avec effet immédiat. Il est désormais évident que la reprise des ventes d'alcool a entraîné une pression considérable sur les hôpitaux, y compris les unités de traumatologie et de soins intensifs, en raison des accidents de la route, de la violence et des traumatismes connexes ».
Il a également annoncé l’introduction d’un couvre-feu entre 21h et 4h. Dès la mise en place de mesures de confinement en mars, le gouvernement sud-africain avait interdit la vente de boissons alcooliques à l’intérieur du pays pendant plusieurs semaines, puis a suspendu les exportations à deux reprises. Les exportations restent actuellement autorisées, ainsi que le transfert des produits depuis les caves jusqu’aux lieux de stockage, mais les restrictions liées au Covid-19 rendent la situation très compliquée.
Lors d’un webinaire organisée la semaine dernière, à laquelle ont participé 750 personnes, Rico Basson, directeur de l’organisme professionnel VinPro n’a pas mâché ses mots, ni caché sa colère. « La filière est passée d’une situation de crise à une catastrophe. Nous avons perdu un tiers de nos producteurs au cours des dix dernières années ; nous avons ensuite assisté à une activité marginalisée et puis à deux années de sécheresse. Nous étions en train d’entamer une reprise mais désormais nous devons faire face à une pandémie ». Estimant que des milliers d’emplois sont menacés, Rico Basson a affirmé que le secteur – et ses activités touristiques – avaient déjà perdu environ 5 milliards de rands (environ 260 millions d’euros) en 2020 à cause des interdictions successives de ventes de boissons alcooliques sur le marché local et d’exportations. Il a affirmé que la poursuite de l’interdiction sur le marché local pendant six à huit semaines pourrait entraîner 2,5 milliards de rands de pertes supplémentaires.
Il est à noter que la sécheresse a eu pour effet de réduire la part des exportations, qui est passée à 38% en 2019 contre 50% en temps normal selon WOSA, exacerbant l’impact de l’interdiction de vendre du vin à l’intérieur du pays. D’autant plus que l’oenotourisme et d’autres activités de loisir autour du vin constituent également une source importante de revenu pour le secteur, et l’économie sud-africaine. De son côté, le directeur de Distell, Richard Rushton, a insisté sur le niveau des excédents – qu’il a chiffré à 3 millions d'hectolitres - et la prochaine récolte, qui aggraveraient une situation déjà très fragile. Enfin, l’expert Michael Fridjhon a pour sa part pointé les incohérences dans la politique de l’Etat, affirmant qu’au cours des 15 dernières années le gouvernement avait consenti 70 milliards de rands (3,6 milliards d’euros) pour sauver la compagnie aérienne nationale SAA et ses 10 000 emplois, à comparer à la « destruction actuelle d’emplois dont le nombre est facilement dix fois supérieur » dans la filière vitivinicole. Celle-ci poursuit ses négociations avec le gouvernement pour tenter de trouver une solution.