’annonce de la mise en place de mesures de confinement – même si celles-ci ont varié selon les états – a entraîné en mars une augmentation de 9,5% en volume et en valeur des ventes de vins allemands pour la consommation à domicile par rapport au même mois en 2019. D’après l’agence de marketing des vins autrichiens (AWMB), les achats de vins ont progressé globalement d’un tiers en mars. Comme ailleurs, il s’est opéré un déplacement des ventes en faveur de la grande distribution, et dans une moindre mesure du commerce électronique, au détriment du secteur CHR et des magasins spécialisés. A telle enseigne que, selon l’AWMB la part de la consommation à domicile devrait passer en 2020 à 84,7% contre 81% en 2019. Pour faire face à ces nouvelles orientations, le Deutsches Weininstut a rapidement intensifié son programme d’activités marketing en ligne, articulant ses actions autour de thématiques différentes tous les 15 jours et encourageant les opérateurs à mettre en place des dégustations virtuelles régulières et à favoriser l’e-commerce. Sous le slogan « Penser global, boire local », le DWI entend profiter de cette période de repli sur soi pour promouvoir l’offre domestique. Au premier trimestre, les ventes de vins allemands ont ainsi progressé de 4% en volume et de 2% en valeur par rapport à 2019. « Nous expliquons à l’ensemble des consommateurs de vins que nos producteurs allemands sont toujours là pour eux et que nous avons besoin de leur soutien. Penser global mais acheter local est devenu notre devise – y compris au bénéfice de l’environnement », affirme Monika Reule, directrice du DWI. Un slogan qui assume toute son importance depuis l’instauration de surtaxes sur les importations de vins allemands aux Etats-Unis.
Malgré cet élan de solidarité, les opérateurs allemands sont peu optimistes quant à l’issue de la crise. Dans la deuxième quinzaine d’avril, sous la direction du Dr Simone Loose, l’université de Geisenheim a sondé 844 entreprises (domaines, caves coopératives et producteurs/embouteilleurs) pour mesurer l’impact du coronavirus sur la filière allemande. Les conclusions sont peu réjouissantes : les professionnels interrogés estiment que la profonde récession qui suivra l’épidémie impactera fortement la structure du secteur, multipliera le nombre de faillites d’entreprises vinicoles et fera diminuer la demande de vins premium. Par ailleurs, ils estiment que le rythme et le niveau d’investissements permettant au secteur de réussir la transition écologique vont régresser. D’ores et déjà, deux entreprises sur trois ont déjà stoppé ou retardé des investissements programmés. Les professionnels s’attendent, par ailleurs, à ce que les vraies répercussions de la crise ne se manifestent qu’au deuxième trimestre, car traditionnellement les trois premiers mois de l’année sont calmes et des incertitudes demeurent quant à la saison touristique, sachant que peu de professionnels pensent que l’oenotourisme reprendra rapidement. Sur le plan pratique, si trois entreprises sur quatre se disent satisfaites par rapport à la disponibilité actuelle de main d’œuvre étrangère, elles se préoccupent déjà de cette disponibilité au moment des vendanges. Par ailleurs, six sociétés sur dix prévoient des difficultés logistiques au deuxième trimestre, ayant pour effet de retarder leurs livraisons à l’intérieur du pays en raison d’une surcharge de travail pour les transporteurs. Cet enjeu est de taille car le commerce électronique a partiellement pris le relais des ventes au caveau et du secteur CHR, se caractérisant notamment par des achats multiples de petites quantités – ce qui, en soi, représente un casse-tête pour les opérateurs, notamment les petits domaines. Au final, les seuls gagnants de cette crise ne seront vraisemblablement que les grosses structures qui commercialisent une partie importante de leurs vins dans la distribution alimentaire. Pour les autres, l’avenir est plus qu’incertain.