La santé du secteur mondial du vin au cours des 12 à 18 prochains mois reposera en partie sur la manière dont les États-Unis – marché du vin le plus important et le plus lucratif de la planète - sortiront et se remettront de la pandémie du Covid-19. Or, à l’heure actuelle, les signaux ne sont pas positifs ». C’est ce qu’a affirmé Richard Halstead, directeur de Wine Intelligence, la semaine dernière sur la base des dernières études consommateurs réalisées par l’agence britannique. Plus de 20 millions d’Américains ont déjà perdu leur emploi et la poursuite de la crise sanitaire n’est pas de bon augure pour l’économie américaine, entre autres. Jusqu’à présent, la mise en place de mesures de confinement s’est soldée par une montée en flèche des ventes de vins. D’après les dernières données Nielsen pour le secteur à emporter, dont se fait l’écho le site Wine Business, ces ventes ont grimpé de 31% entre le 7 mars et le 4 avril par rapport à la même période de l’année dernière. Parmi les catégories les plus prisées, les BIB de trois litres ont fait un bond de 82% et la tranche de prix des 20-25$ s’avère être la plus performante. « Certains consommateurs qui avaient l’habitude de dépenser beaucoup plus au restaurant, sont tout à fait disposés à consacrer entre 20 et 25 $ à une bouteille du même ordre pour la consommation à domicile », explique Danny Brager, analyste chez Nielsen. Enfin, les ventes en ligne continuent d’exploser : Nielsen chiffre l’augmentation globale des boissons alcooliques à 387% pendant la semaine se terminant au 11 avril.
En parallèle, les importations américaines de vins sont également orientées à la hausse. Les expéditions conditionnées, toutes origines confondues, ont progressé de 8,4% en volume et de 5,90% en valeur au cours des douze mois se terminant fin mars, selon les données publiées par l’analyste bw166. Ces augmentations passent respectivement à 16,2% et à 12,9% au cours des trois derniers mois. Dans le même temps, on observe la montée en puissance du vrac. En effet, les importations de vins en vrac ont cru de 23,4% et de 6,10% en volume et en valeur sur douze mois, passant à +27,3% et à +25,7% sur les trois derniers mois. En valeur, la France et le Chili représentent les principaux fournisseurs, respectivement en bouteilles et en vrac.
Cette embellie, qui dépasse déjà ce que pronostiquaient les analystes, s’explique par le phénomène de surstockage, certes, mais aussi par l’augmentation de la consommation chez les buveurs réguliers, d’après Wine Intelligence, qui pointe notamment une hausse de la consommation hors repas. Néanmoins, ce rebond risque d’être de courte durée. Du côté de la filière américaine, fortement impactée par la fermeture du secteur CHR mais aussi des caveaux de vente très fréquentés, les prévisions sont catastrophiques. Le Wine Institute en Californie annonce, en effet, une perte potentielle de 5,94 milliards de dollars liée au coronavirus en 2020. Les plus de 10 000 wineries et 8 000 viticulteurs américains pourraient perdre entre 36% et 66% de leur chiffre d’affaires, les plus petites structures étant les plus touchées. La principale difficulté réside dans le fait que le circuit CHR ne devrait se remettre totalement de la crise que 3 à 6 mois après qu’un vaccin soit disponible pour tous, selon l’analyste Jon Moramarco (bw166/Gomberg-Fredrikson), sachant que beaucoup de caves tirent leurs recettes non seulement de la vente de vin, mais aussi d’un service de restauration sur place et du tourisme. « La principale priorité des consommateurs après la pandémie ? L’augmentation de l’épargne personnelle pour faire face à la crise économique attendue », prédit Richard Halstead.