a taxe Trump de 25% sur les vins français à l’entrée du marché américain va-t-elle favoriser le développement des exportations de vins en vrac, qui elles, échappent à cette taxe ? Les chiffres du mois de janvier dernier semblaient l’indiquer. Sur ce seul mois, les volumes expédiés en vrac affichaient une progression spectaculaire de 1094% par rapport à janvier 2019, en passant de 1000 à 12 200 hl. En février, cette hausse se maintient mais à un niveau moins élevé : 6000 hl soit +80 %. « Cette croissance impressionnante du vrac confirme une tendance déjà observée en fin d’année dernière, lors de l’instauration de la taxe qui ne s’applique pas aux vins en vrac », analyse Adrien Boussard, conseiller à BusinessFrance. Sur la même période, les chiffres des importations américaines de vins français connaissent des évolutions aussi impressionnantes, mais décalées d’un mois : elles ne progressent que de 9% en janvier mais bondissent de 1600 % en février. « Les volumes envoyés en janvier depuis la France ne sont arrivés qu’en février aux USA, d’où ce décalage dans les chiffres », explique le conseiller. Deux régions sont particulièrement concernées par ces expéditions en vrac : la Provence qui représente plus de 75% des volumes de vrac exportés, et la Vallée du Rhône pour 20%. Les IGP avaient également beaucoup exportés en vrac en janvier 2020, mais ce n’est plus du tout le cas pour février.
Conditionnement délocalisé
AU CIVP, le directeur Brice Eymard confirme l’amorce d’un développement du vrac sur les USA, premier marché export pour les vins de Provence. « Sur janvier-février 2020, 51 000 hl d’AOP de Provence ont été exportés vers les USA, un chiffre stable par rapport à l’an dernier. Mais pour la première fois, nous enregistrons 10 000 hl exportés en vrac. Plusieurs entreprises et marques fortes de Provence ont fait le choix d’organiser leur mise en bouteille sur le territoire US mais continuent de maitriser l’ensemble de la chaine logistique, qualitative et donc de valeur », souligne-t-il.
La Commanderie de Peyrassol à Flassans sur Isole fait partie de ces pionniers qui, pour la première fois, ont expédié Outre-Atlantique leur vins en vrac. « Nous avons commencé à travailler sur cette alternative dès le mois d’octobre. La priorité a été de nous assurer que deux conditions étaient remplies : l’adhésion de notre importateur à ce projet et la qualité irréprochable de la mise en bouteille sur place », explique Alban Cacaret, vice-président des Vignobles Austruy, propriétaire de ce domaine provençal. L’entreprise s’est donné les moyens de contrôler dans les moindres détails cette délocalisation de la mise en bouteille. Après plusieurs visites sur place, un vigneron de la Côte Est, par ailleurs prestataire de service, a été sélectionné pour réaliser le conditionnement. Les matières sèches, qui avaient déjà été commandées en France ont été expédiées aux USA. Les aspects juridiques ont été étudiés de près par un avocat. Le maître de chai et l’œnologue du domaine se sont rendus sur place pour réceptionner les vins et surveiller la mise en bouteille durant la première semaine. « Cette délocalisation a mobilisé une personne à temps complet pendant deux mois. C’est un travail colossal pour tout mettre en place, mais c’est l’image de notre marque qui était en jeu. Au final, c’est gagné. Nous avons expédié 2 500 hl, soit l’équivalent de nos ventes annuelles de nos deux vins de marques. Tout a été embouteillé en mars et le résultat est conforme à nos attentes », soutient le dirigeant.
La crise sanitaire du Covid 19 a pour le moment bloqué la distribution de ces vins, qui restent stockés chez l’importateur. Un contre-temps éprouvant après cette longue démarche, mais « au moins, nos vins sont sur place et pourront être distribués dès le redémarrage de l’activité », se console Alban Cacaret.
Ce mode d’expédition sera-t-il maintenu les prochaines années ? Le sujet est à l’étude. « Si nous arrivons à nous fournir sur place en bouteilles à des prix corrects, pourquoi pas ? Cette année, nous avons été pris par le temps. Nous avons expédié nos bouteilles depuis la France, le bilan carbone n’est pas plus élevé que pour l’exportation de nos vins en bouteille. Mais il pourrait être réduit avec des bouteilles produites aux USA ».