Une fois arrivé sur le marché export, il arrive que les producteurs ne reconnaissent pas les vins qu’ils ont fait partir », constate Carole Puech, chargée d’études à Inter Rhône. L’interprofession s’est intéressée de près à ce qu’il se passait à l’intérieur des containers qui traversent les océans.
« Nous avons placé des capteurs dans des containers à destination de l’Amérique du Nord, de l’Asie, de l’Australie et de l’Europe. L’objectif était de mesurer l’évolution de la température pendant la durée du voyage, entre Août et Septembre et pour pouvoir en déduire le comportement des bouchons » introduit Carole Puech.
A l’occasion du dernier Sitevi, la chargée d’études a présenté les premiers résultats de son travail concernant les vins ayant voyagé vers Shangaï et vers le Mexique. « Le transport maritime vers Shangaï a duré 40 jours pendant lesquels, les températures sont montées à 30-35°C et n’ont que très peu varié. Vers le Mexique, le voyage a duré 33 jours et les températures ont beaucoup varié passant de 18 à 35°C puis retombant à 20 °C ». Pour Carole Puech, difficile d’expliquer pourquoi dans un cas la température fut bien plus variable que dans l’autre. La chargée d’étude a également enregistré les températures dans les camions avant et après le transport maritime, observant qu’elles sont montées à plus de 50°C avec de fortes variations jour/nuit.
A la suite de ces relevés, Carole Puech a placé des bouteilles expérimentales de Côtes du Rhône rouge et des bouteilles de producteurs dans un simulateur qui a reproduit les conditions exactes de température de chaque transport. Les bouteilles expérimentales avaient un bouchage synthétique sans capsule de surbouchage, celles des vignerons étaient bouchées avec du synthétique, du liège ou des capsules à vis, couvertes ou non de capsule de surbouchage.
Sans surprise, « Les capsules à vis n’ont pas bougé. Les bouchons synthétiques sont remontés de 0 à 4 mm au-dessus du col. Sur les bouteilles bouchées avec du liège sans capsule de surbouchage, les bouchons sont ressortis beaucoup plus : jusqu'à 1 cm vers Shangaï et 2,5 cm vers le Mexique. Mais avec les capsules de surbouchage, les bouchons en liège comme les synthétiques ne remontent que très peu voire pas du tout. Elles les maintiennent en place.»
Cependant, la présence de la capsule de surbouchage, ne résout pas toutes les difficultés que rencontre le bouchage liège. « Toutes ces bouteilles Shangaï étaient couleuses arrivées à Shangai. Vers le Mexique, c’était la moitié » indique-t-elle. Le vin remonte dans le col par dilatation. L’effet est très marqué avec le liège ».
Au vu de ces résultats, faut-il renoncer au bouchage liège pour le grand export et passer au 100 % synthétique ? « Non, le bouchon liège demeure indétrônable pour les vins de garde, et le consommateur l’attend, répond Carole Puech. Mais une chose est sûre, il faut réfléchir au transport des vins. Il existe des containers réfrigérés qui garantissent une température fraiche et stable. C’est au producteur de décider si son vin vaut le surcoût ». Des solutions comme des cartons isolants sont possibles, « sous mesure de les conditionner dans un endroit frais pour que la chaleur ne reste pas bloquée à l’intérieur ».
A la dégustation, les profils de vins sont impactés, avec, selon les destinations, moins de sensation de fruité et davantage de fruits confiturés. « Pour les vins avec 5 mg/L de SO2 libre au départ, c’est encore plus marquant » explique Carole Puech, chargée d’études à Inter Rhône. Ces vins sont davantage décrits comme évolués et oxydés. « Le vin protégé à 30 mg/L de SO2 libre au départ conserve mieux ses caractéristiques » détaille-t-elle. Une fois arrivé, il n’a plus que 13 mg/L de SO2 libre. Concernant la microbiologie, on peut au moins voir un avantage au transport par containers. « Il y a une modification du milieu, si bien qu’un vin avec 104 cellules/ml de Bretts au départ s’est retrouvé à moins de 10 cellules/mL à la fin de la simulation » fait remarquer Carole Puech.