n débourrement très précoce ? Pas vraiment pour Thomas Duclos, œnologue de la société Oenoteam, à Libourne : « Avec l’hiver doux, on observe une légère avance du débourrement, mais cela reste marginal. On est dans une normalité. Dans l’ensemble, la situation est équilibrée. Il n’y a pas de développement anarchique. Mais dès que le sol sera réchauffé, on risque d’avoir un débourrement rapide « prévient-t-il. En Médoc, Romain Tourdias, conseiller viticole, directeur de l’antenne Adar Médoc, de la chambre d’agriculture de la Gironde observe une situation contrastée : « dans les croupes graveleuses des communales (Pauillac, Saint-Estèphe, Margaux), secteurs les plus précoces, on a déjà les premières feuilles étalées depuis la fin février sur de jeunes vignes. On constate un débourrement avec quinze jours à trois semaines d’avance. Sur les secteurs les plus tardifs tels que le nord Médoc et autour de Listrac, sur des zones argileuses, il n’y a pas de débourrement, tout au plus quelques gonflements de bourgeons » explique-til. Sans se risquer à donner un nombre de jours d’avance, il parie sur un débourrement précoce, comme l’an passé.
Avec un hiver très doux, des pluies fortes depuis fin février, Romain Tourdias craint l’attaque du mildiou. Mais la plus grande inquiétude reste le gel. Du coup, il note une réorganisation du travail : « certains viticulteurs pratiquent une taille plus tardive. Le débourrement intervenant plus tard, le bourgeon se retrouve protégé de tous les risques » indique-t-il.
Une stratégie adoptée par Brigitte Tribaudeau du château Mauvinon, 6 ha, à Saint Sulpice de Faleyrens. Ce 11 mars, dans ses vignes, les bourgeons sont encore bien serrés. Aucune pointe verte. Pas l’ombre d’un débourrement. Une situation identique au millésime précédent, à la même période. "La végétation n’est pas encore partie. Cela s’explique par notre politique de la taille que nous réalisons le plus tard possible, de mi-janvier à fin février « indique-t-elle. Même stratégie pour les semis (céréales et légumineuses) plantés tout début mars, un rang sur deux. « Ces semis qui aèrent le sol naturellement, n’atteindront que 10 cm de hauteur fin avril. Ils apporteront moins d’humidité. Non négligeable en cas de gel » explique-t-elle. Le gel qui a touché la propriété en 2017 et 2019, concentre toutes les peurs. Du coup Brigitte Tribaudeau a mis en place des contre feux : une assurance climatique prise en 2018, l’adhésion l’année suivante à une association de viticulteurs bien décidés à lutter contre les aléas climatiques du Sud Saint-Emilionnais. En cas de gel, les adhérents optent pour un écran de fumée en allumant des balles de foin et de paille. Une fumée qui viendra faire barrière aux premiers rayons de soleil qui pourraient bruler les raisins. Ce n’est pas tout. Début mars, elle a fait l’acquisition d’un millier de bougies qui devraient couvrir 3 ha. « On peut ainsi tenir trois nuits « indique-t-elle. Un investissement de 9000 € HT. Autre source d’inquiétude : la pluie incessante de ces dernières semaines : « Les sols sont gorgés d’eau. Dès que les températures vont remonter, le mildiou sera là. Cela va être compliqué « lâche-t-elle.
A Saint -Emilion, Laurent Clauzel du château Lagrave Figeac, 6,7 ha, observe un débourrement sur certains pieds, sur 5 à 10% de ses vignes : « On a quinze jours d’avance. Sur certains pieds le débourrement est là ainsi que les premières feuilles. En fait ce sont des rangs de vignes protégés des courants d’air, proches d’un bâtiment qui sont concernés" explique-t-il. Ce viticulteur, lui aussi craint le gel : « C’est une psychose. Nous avons gelé en 2017 à 90%. Cela n’était pas arrivé depuis 1991 » reconnait-il. Lui aussi a trouvé une parade : l’achat de 2000 bougies, soit un investissement de 18 000 €. Mais surtout il peut compter sur son stock, « la meilleure des assurances » pour lui. Il dispose de trois récoltes, du millésime 2012 à 2018, soit 80 000 cols.