itisphere : Avez-vous déjà des conséquences de l'instauration de la taxe de 25% sur les vins importés sur le marché américain ?
Clément Desbois : L'impact sur notre activité est réel. C'était un marché extrêmement bien orienté ces dernières années, avec une croissance de l'ordre de 6%. Depuis la mise en place de la taxe, nous avons une baisse des commandes de la part de nos clients importateurs de 20%, soit 1400 commandes en moins par rapport à la même période l'an dernier. Cela correspond à environ 130 containers en moins en un mois, soit 1,7 millions de cols.
On a aussi un peu plus de demandes de stockage ; nos clients préfèrent être prudents et faire venir le vin petit à petit... Ils retiennent les commandes ; ce n'est que le début.
Vitisphere : Est-ce parce qu'ils enregistrent déjà des baisses dans leurs ventes ?
C.D : non ; cette diminution des approvisionnements est clairement liée à leur manque de visibilité et à la soudaineté de l'entrée en vigueur de la taxe. Ils ne savent pas comment le consommateur américain va réagir ni combien de temps la taxe durera. Dans le doute, ils importent ce dont ils ont vraiment besoin et stockent moins de vins. Il y a beaucoup d'attentisme.
Le vrai test sur les ventes aura lieu en décembre : les changements des prix des vins avec l'intégration des 25% interviendra pour les consommateurs seulement à partir du 1er décembre.
Vitisphere : Constatez-vous des appellations ou des vignobles plus impactés que d'autres par la mise en place de la taxe ?
C.D : Je dirais que c'est plus une question de catégorie de prix que d'origine. Selon moi, ce sont les grandes marques entrée-de-gamme, vendues principalement en GD, qui risquent d'être le plus impactées : pour conserver leurs parts de marché, ces opérateurs vont devoir maintenir leur prix de vente, donc prendre en charge le surcoût. Un distributeur pourra facilement changer de fournisseur sinon. Sur ce point, nous en saurons plus quand les contrats en cours arriveront à leur terme et devront être renouvelés. On sait aussi que certains importateurs réfléchissent à différentes options, comme celle de faire venir le vin en vrac pour contourner le problème.
Pour les AOP milieu ou entrée-de-gamme (régionales par exemple), que les USA absorbaient en volumes importants, il faudra attendre les ventes de décembre... Les AOP Premium et grands crus devraient être selon moi moins impactés. D'une façon générale, des discussions sont en cours entre les acteurs de la chaîne pour se répartir le surcoût et ne pas impacter le client final.
Enfin, concernant les grands Groupes de champagne et spiritueux, bien que non taxés, ils se sont organisés il y a déjà plusieurs mois quand la menace de la taxe pesait, en transférant des stocks aux Etats-Unis. Désormais, leurs exportations sont bien ralenties.