David Hohnen : Pour les consommateurs existants, la réponse est évidemment non. Pour les nouveaux acheteurs, il faut d’abord définir les cibles : de marché et de consommateur. La demande initiale de Producta était d’augmenter les ventes au Royaume-Uni. Ce qui nécessite des vins pour une génération qui ne s’est pas intéressée aux vins de Bordeaux. Il est possible qu’il s’agisse majoritairement de femmes. Ce sont des jeunes, bien informés et qui font leurs achats en supermarchés ou chez un caviste. Dans ces lieux de vente, sept jours séparent le déchargement d'une palette du passage en caisse d’une bouteille. Et à la maison, le vin sera consommé dans les deux jours. Les vins, blancs comme rouges, doivent être éminemment buvables au moment de l’achat. Ce qui nécessite des changements significatifs dans le style actuel des vins de Bordeaux.
Pour les rouges, il s’agit d’une couleur intense, de tanins en harmonie avec l’acidité pour une expérience gustative savoureuse. Pour les vins blancs, les arômes doivent être fruités, la bouche peu lourde et les phénols discrets, avec une acidité croquante. Nous partons de zéro avec l’étiquetage des cépages et une étiquette contemporaine. Il s’agit d’une nouvelle direction pour Bordeaux, qui ne cannabilisera pas les marchés traditionnels. Ce sont de nouvelles interprétations de Bordeaux, tout en reconnaissant sa tradition et son histoire.
Est-ce que vous partagez les critiques jugeant démodé le style des vins de Bordeaux, qui ne serait plus connecté aux attentes modernes ?
Oui et non. Non pour les marchés conservateurs (Japon, Chine…). Oui dans les marchés composés d’une base jeune et aventureuse (Royaume-Uni, Etats-Unis, Australie…).
Je ne donne jamais de conseils, mais je suis heureux de partager des expériences significatives. La recette est simple : identifier vos consommateurs, leur apporter et leur vendre un vin qu’ils aimeront.
En tant que professionnel, quels sont les principaux avantages et défauts des vins et terroirs de Bordeaux ?
Ses points forts reposent sur des sols fortement agricoles et un bon climat, sur une grande histoire et une tradition du vin, et donc sur une culture du vin robuste. Ainsi que sur une capacité à travailler dur.
En termes de points faibles, dans certains cas, il y a une vision conservative et bornée du monde du vin.
En tant que consommateur, achetez-vous des vins de Bordeaux en Australie ?
Pas encore. J’achète des vins à des prix de consommation courante, pour en faire une composante d’une vie joyeuse. Pour le prix que je suis prêt à mettre, l’offre de vins de Bordeaux en Australie est vraiment sans intérêt. Et pourtant, quand je suis à Bordeaux, je peux acheter d’excellents vins de Bordeaux à moins de 10 euros. Qu’est-ce qui se passe ici ?