a première qualité d'un ambassadeur reste sa diplomatie. En témoigne la réflexion sur le projet de marque collective Ambassadeur de Graves au sein du syndicat viticole bordelais. Volontaire et révisé annuellement, cet outil ne manque pas d’ambition, affichant l’objectif de structurer les vins de Graves. Avec la création d’une locomotive qui tirerait toute l’appellation, sur des critères d’analyses œnologiques, d’un jury de dégustation et de bonnes pratiques environnementales. Si la marque a été enregistrée ce 3 mai* par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle le concept d’Ambassadeur de Graves reste un sujet de discussions dans le vignoble, comme en témoigne la réunion d’information qui s’est tenue ce 2 mai à la maison vins de Graves.
Les échanges dont Vitisphere a eu écho ont été vifs à Podensac. Si un proche du projet défend « un outil pour l’émergence d’exploitations qui font un travail de qualité avec un niveau d’exigences environnementales élevé », un propriétaire critique « un label de qualité trompeur, un sticker privé pour remplacer les critiques qu’on n’arrive plus à attirer dans les Graves à cause d’un niveau qualitatif trop faible ». Tandis qu’une vigneronne reproche au syndicat « son obsession du succès de Pessac-Léognan avec ses grands crus classés, qui nous amène à un système à cheval entre le classement et le concours annuel ». D’autant plus que le prix prévu de l’étiquette « ambassadeur des Graves » est élitiste, étant annoncé à 25 centimes par bouteille (5 000 euros les 20 000 bouteilles).


« Les avis contre le projet sont minoritaires, la majorité soutient ce projet » affirme Dominique Guignard, le président du syndicat viticole des Graves. Le ban n’étant pas fermé, il est difficile d’en savoir plus sur la suite donnée par l'Organisme de Défense et de Gestion. « Quand on sera prêt, on pourra communiquer. Pour l’instant, la réflexion est interne » élude dans un rire sonore Dominique Guignard. « Si on n’essaie pas, on est sûr de que ça ne marchera pas » lâche Dominique Guignard, qui poursuit ses consultations pour susciter l’adhésion de l'ensemble. Et avancer sur son business plan de valorisation collective de l'appellation. Ce qui semble demander autant de doigté que d’opiniâtreté.
Car depuis son élection, il y a cinq ans, Dominique Guignard travaille avec son conseil d’administration à la conception d’un vaste plan de relance et de revalorisation de l’appellation Graves. Cette réflexion s'est d'abord concrétisée l’an dernier avec le rapprochement de Sauternes, puis avec la présentation d'une feuille de route en trois étapes : créer la marque Ambassadeurs de Graves, imposer une mention d’étiquetage commune et imposer mise en bouteille à la propriété sous dix à quinze ans. Ce qui a été perçu comme une interdiction des vins en vrac pour l’AOC Graves (les rendus-mises n'étant cependant pas concernés), ce qui a alarmé une partie du vignoble. Et a conduit à un rejet de la proposition par la majorité de l’assemblée générale extraordinaire du 12 juin 2018.
Ne désarmant pas, Dominique Guignard repose la proposition de marque collective sur la table. Si des votes d’orientation ont eu lieu lors de la réunion d’information du 2 mai, aucune prise décision n’a été actée par l’assemblée générale. Le conseil d’administration du syndicat viticole envisagerait de lancer une expérimentation de la marque collective dès 2020. Reste à convaincre la majorité des Graves pour obtenir leur validation et la mise en action de ce plan de valorisation. Mais la diplomatie est après tout la première qualité d'un ambassadeur.
* : À noter que cette marque n'est pas définitive. Le projet ayant changé de nom, se nommant il y a un « Ambassadeur de Graves, Graves Bordeaux l’Original » (marque enregistrée en février 2018 par l’INPI).