Vin en vrac
Coup de sang contre les Bordeaux bradés 1 000 € le tonneau

Pour maintenir un prix du bordeaux rouge à un niveau rémunérateur, les appels à la responsabilité de toute la filière se multiplient, alors que le marché frémit.
L’étincelle a mis le feu aux poudres. La semaine dernière, des contrats de vins en vrac ont été enregistrés à 1 000 euros le tonneau de Bordeaux rouge 2018 par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). N’ayant plus été vus depuis le début des années 2000, ces prix ont créé un tollé dans le vignoble. « Qu’il y ait un réajustement des prix, c’est logique et attendu. Mais pas de cette ampleur, la récolte n’est pas si généreuse et les stocks ne sont pas si importants » tempête Jean-Samuel Eynard, le président de la Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FDSEA 33). Dont le syndicat vient de signer un communiqué appelant à un prix de 1 350 € le tonneau pour permettre aux vignerons d’investir dans la transition écologique. « Il n’est pas logique que le négoce puisse payer moins, tout en demandant des vins plus verts [sans CMR et certifiés HVE]. Il faut donner des moyens décents à la production » souligne Jean-Samuel Eynard.
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Frémissant avec des semaines où s’échangent désormais 20 à 30 000 hectolitres de vin, le marché du Bordeaux rouge 2018 est marqué par une baisse des prix. Il se fixe à 1 200 € cette première semaine de mars, selon les statistiques du CIVB. Contre 1 310 € le tonneau un mois auparavant, quand la petite récolte 2017 s’est échangée 1 496 € le tonneau sur la dernière campagne.
Sortant de sa réserve de corps intermédiaire entre le vignoble et le négoce, Xavier Coumau, le président du syndicat des courtiers de vins et spiritueux de Bordeaux vient de mettre tous les opérateurs en face de leurs responsabilités. Ayant envoyé un courrier engagé à ses confrères, Xavier Coumau explique à Vitisphere regretter « une guerre des prix pour décrocher un marché. Des prix en dessous de 1 100 € le tonneau sont déraisonnables. Et ils ne permettront pas de vendre plus de volumes. » Appelant à arrêter cette désescalade, Xavier Coumau rapporte que des contrats ont pu être signés à 1 250-1 300 € le tonneau.
Trop diplomate pour donner dans l’anathème, et trop réaliste pour simplifier démagogiquement, le président des courtiers bordelais ne peut que regretter une spirale de dévalorisation néfaste à toute la filière girondine : « c’est à Bordeaux d’être intelligent en ne tombant pas dans des baisses ridicules qui sabrent toute la filière ».
« On est dans un sauve-qui-peut général face à un retournement généralisé des conjonctures » se désespère Dominique Techer (Confédération Paysanne de Gironde), qui alerte depuis des mois sur « une crise majeure, voire historique, des vins de Bordeaux : la situation est, au moins, équivalente à celle de 2003, quand les Américains boycottaient les vins français ». Pour lui, les vins de Bordeaux ont commis « une erreur stratégique globale » en étant trop dépendant au marché chinois et ne prenant pas plus tôt et plus forte le tournant écologique de la conversion à la bio.
En février dernier, l’ensemble des bordeaux rouges 2018 s’échangeaient à un cours moyen de 1 257 € le tonneau (pour 150 058 hl retirés), quand les bio montent à 2 041 € le tonneau (pour 1 570 hl). Une valorisation qui soutient les surcoûts de la production bio, mais qui est permise par la faiblesse des volumes disponibles.