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Emmanuel Macron fait mouche sur le pavillon des vins
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Salon de l'Agriculture
Emmanuel Macron fait mouche sur le pavillon des vins

Le président de la République a séduit les responsables viticoles qui l'ont reçu ce 23 février. Il a marqué des points, faisant preuve d'écoute et de disponibilité après une journée très chargée.
Par Bertrand Collard Le 25 février 2019
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Emmanuel Macron fait mouche sur le pavillon des vins
Marie-Christine Verdier-Jouclas, députée LREM du Tarn, Jean-Marie Barrilère, président du Cniv, Emmanuel Macron et Jérôme Despey, président du conseil des vins de FranceAgriMer sur le pavillon des vins au Sia. - crédit photo : B. Collard
I

l s’en est fallu de peu qu’Emmanuel Macron zappe le pavillon des vins lors de sa visite du salon de l’agriculture à Paris, le 23 février. Vers 19 heures, des membres de son équipe débarquent pour prévenir qu’il ne viendra pas. « Il a trop de retard », expliquent-ils aux responsables professionnels qui patientent depuis 16 heures, l’heure initialement prévue du passage du président de la République.

Coup de sang

« Nous sommes première filière agricole française en valeur, il n’est pas question qu’il ne vienne pas », s’emporte Jérôme Agostini, directeur du Cniv (comité national des interprofessions viticoles) à la surprise de son entourage. Mais son coup de sang porte ses fruits. Quelques échanges radio plus tard, la venue d’Emmanuel Macron est confirmée.

Il est 21 heures quand il arrive enfin, regrettant son retard. « Cela nous a permis de suivre les matchs de rugby de la France et de l’Angleterre », plaisante Jérôme Agostini. « Et quels sont les scores ? Personne ne m’a rien dit », répond le président. « La France a gagné, l’Angleterre a perdu ». Mais pas question de commenter les matchs, direction l’intérieur du stand.

Export européen

Dès qu’Emmanuel Macron est installé, Jean-Marie Barrilère, président du Cniv, passe aux choses sérieuses. « Notre filière dégage un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros dont 13 milliards à l’export. Notre avenir passe par l’export. Or pour exporter au sein de l’Union européenne, il faut avoir un représentant fiscal dans chaque pays. C’est une complication pour les vignerons », explique-t-il.

Le président écoute, cherche à comprendre et demande à sa conseillère agricole de retenir ce qui vient d’être dit. En face de lui, le sommelier Etienne Laporte l’invite à une première dégustation : un vacqueyras blanc du domaine la Fourmone. « C’est une trouvaille, raconte-t-il. Vacqueyras est une appellation de rouge. Ce blanc est produit sur un terroir qui donne une grande finesse au vin. »

« Quel cépage ? » demande Emmanuel Macron. « C’est de la roussanne, un cépage de la Drôme, mais c’est un pur hasard », répond Etienne Laporte en regardant le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, élu de ce département. Comme tous les ans, le sommelier a choisi des vins en rapport avec ses invités.

Réserve de propriété et délais de paiement

Fin de l’intermède. Jean-Marie Barrilère reprend la parole. Cette fois, c’est pour regretter l’interdiction d’introduire une clause de réserve de propriété dans les contrats interprofessionnels et l’impossibilité pour les interprofessions de fixer des délais de paiement supérieurs à un an. La DGCCRF s’y oppose. « [Elle] estime qu’au-delà de 12 mois, c’est trop long », souligne Jean-Marie Barrilère pour qui ces dispositions devraient figurer dans les contrats pluriannuels. « Comment peut-on régler cela ? Par une circulaire ?» demande Emmanuel Macron à son entourage. Pas de réponse claire.

Jean-Marie Barrilère poursuit en justifiant la demande de délais supérieurs à un an : « cela permet de partager entre le producteur et le négociant l’investissement pour aller à l’export. La clause de réserve de propriété apporte la garantie pour le producteur qu’il sera payé. »

Cagnotage

Puis il embraye sur un autre sujet. « Quand une grande surface fait une opération sur un côtes-du-rhône ou un bordeaux à 1 €, elle prend en otage une appellation pour faire venir le chaland ». Pour le président des interprofessions, ces initiatives devraient tomber sous le coup de la réglementation contre les prix abusivement bas.

A nouveau, Emmanuel Macron acquiesce et se tourne vers son entourage à la recherche d’une solution. « Il faut passer par un décret ? » demande-t-il. « On ne s’emballe pas, lui répond le ministre de l’Agriculture. Il faut voir les conséquences de tout cela pour l’ensemble des filières ». Fin du sujet.

Pas de DPB

Au tour de Jérôme Despey de parler. Le président du conseil des vins de FranceAgriMer commence par rappelle que la profession veut maintenir le programme d’aide à la viticulture après la réforme de la Pac. « On ne veut pas de DPB », indique-t-il. Une affaire entendue.

Puis il revient sur le discours d’Emmanuel Macron, le matin même, devant de jeunes agriculteurs. « Je n’ai qu’un regret, M. le président : vous n’avez pas abordé le sujet de la sécheresse et des retenues collinaires. C’est un enjeu majeur. »

Emmanuel Macron : « je suis entièrement d’accord avec vous. Nous allons simplifier les règles pour décider plus vite [de la construction de ces retenues]. » « Cela a été annoncé dans la deuxième phase des assises de l’eau », ajoute Didier Guillaume.

Glyphosate

Puis vient le buzz de la journée : la phrase d’Emmanuel Macron lors de son discours du matin : « je pense que nous pouvons faire du vignoble français le premier vignoble au monde sans glyphosate ». Dès que Jérôme Despey l’évoque, les commentaires fusent. C’est le brouhaha.

Jérôme Despey peine à poursuivre. Mais il y arrive. « [Un vignoble sans glyphosate]… sauf Côte Rôtie et Condrieu, finit-on par comprendre. Dans les vignes en forte pente et dans les vignes en terrasses, le travail du sol va créer de l’érosion. » Si la presse généraliste n’a rien saisi de cette difficulté, le président de la République l’a bien comprise. Sa conseillère agricole nous explique en aparté : « On va abandonner 85 % des usages du glyphosate. Les 15 % qui restent correspondent à des impasses : ce sont les vignes en pente et l’agriculture de conservation des sols ». L’herbicide sera maintenu dans ces deux cas.

Entente sur les prix

Malgré la dissipation des troupes, Jérôme Agostini impose un autre sujet. « L’Alsace est devant l’autorité de la concurrence. Les Côtes du Rhône ont été sanctionnées », explique-t-il. Les ODG de ces deux régions ont fait des recommandations de prix. L’autorité de la concurrence considère qu’il s’agit d’ententes. Une analyse que réfute la filière. Mais Emmanuel Macron n’écoute plus vraiment. Il est 21 h 30. Son entourage lui a déjà fait remarquer plusieurs fois qu’il est attendu ailleurs.

Mais pas question qu’il parte sans avoir dégusté un autre vin. Etienne Laporte a choisi un corton-renardes millésime 2011, un grand cru du domaine Maillard père et fils. Un vin à son image, allons nous comprendre. « Ce vin est un oxymore : il est à la fois jeune et déjà évolué. Il est fin et élégant, mais on en perçoit assez vite la densité et l’épaisseur ».

Synthèse

Emmanuel Macron n’écoute qu’à moitié. Il veut dresser une synthèse de sa venue. « L’export en Europe et la pluriannualité des contrats, on va y regarder de près », promet-il aux responsables professionnels ravis de son passage et impressionnés par sa disponibilité à la fin d’une journée si chargée.

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Tous les commentaires (5)
rol Le 27 février 2019 à 15:57:42
Que le Président fasse "mouche" se traduit en clair , comme pour un tir de fusil, que la personne en face est morte et il ne s'en cache pas puisqu'il annonce ; que le vignoble français sera le 1er au Monde...à avoir disparu comme son agriculture , les 2 détruites par des hommes politiques incompétents et ignorants et surtout des organisations professionnelles qui ont toujours eu la trouille de dire NON et de quitter le semblant de négociation.....CAR il n'y a jamais eu de négo .. N'est ce pas la meme personne qui a dit voila 15 jours à Bourges ; impossible de supprimer le glyphosate cela tuerait l'agriculture et qui maintenant nous dit: 1er au monde sans glypho. ....et pourquoi vouloir lancer une nouvelle étude INDEPENDANTE sur sa nocivité puisque la décision est déjà prise....La seule vraie responsabilité est la notre qui ne virons pas nos représentants complaisants et complices......et, en plus , le glyphosate en viticulture ne représente rien par rapport à tout le reste.....
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titi Le 26 février 2019 à 18:25:34
de l enfumage encore une fois de plus de la part de nos hommes politiques et en plus le 1er d entre eux . Soit disant à l ecoute des problèmes mais rien ne change sauf des contraintes entre autre la sortie du glyphosate pour faire plaisirs à des bobos et ceci avec l accord de nos représentant syndicaux qui pour moi sont des vendus
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pinotnoir Le 26 février 2019 à 13:53:24
Et dire que certains pensent qu'il est à l'écoute, alors qu'il est tout simplement en campagne afin de redorer une image bien ternie par son comportement depuis son élection. On verra le résultat de ces opérations de communication dans quelques mois mais j'ai bien peur que cela ne mène pas à grand chose si ce n'est quelques points de plus aux européennes.....
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templier33 Le 25 février 2019 à 09:10:43
"Emmanuel Macron n’écoute qu’à moitié" Cette phrase est inutile et n'apporte rien...rester 14h au salon quel est le président qui l'à déjà fait? ne cherchez pas...aucun!
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Rugby Le 25 février 2019 à 08:43:02
Alors que la viticulture est la composante majeure de certaines regions, economiquement et aussi en emmenagement du territoire et emolois on ne peut pas y compris et surtout sur l'international en promovoir ses marques. La france avec la loie ewin se tire une balle dans le pied. Autre frein... Les vins coutent plus chers que les repas au point que le restaurant n'est plus un vecteur promotionnel vers le client.... Meme dans les regions viticoles on se ruine si on paye le vin.. Du coup on n'en prend pas ou on prend le moins cher. Globalement beaucoup de vins ont augmentes au point que les salaires moyens s'en privent ce qui penalise la filiere et la promotion des crus...
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