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Ce drainage met-il à sec ou à sac le terroir ?
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Polémique à Pomerol
Ce drainage met-il à sec ou à sac le terroir ?

Suscitant le débat et une commission d’enquête, les travaux avant plantation d’une parcelle de 62 ares pourraient mettre son habilitation à la production de l'appellation sur la sellette. Ce qui n'est pas une mince affaire à 1,5 millions €/ha.
Par Alexandre Abellan Le 27 septembre 2018
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«

 Je ne suis pas le seul à faire des travaux de drainage, à devoir apporter des cailloux, à avoir étalé les terres excédentaires… Si historiquement les propriétés de Bordeaux n’avaient pas drainé les sols, il n’y aurait pas beaucoup de vin en Gironde ! » laisse échapper Denis Durantou, le propriétaire du château L’Église Clinet (Pomerol). Entre surprise et incompréhension, le vigneron semble dépassé par la polémique qui enfle, un peu dans le vignoble qu’il travaille et beaucoup sur les réseaux sociaux dont il est absent, au sujet des travaux de drainage qu’il a réalisés début septembre sur une parcelle de 62 ares.

Mais à l’ère des téléphones portables et du tout connecté, les photos de ses pelleteuses creusant et terrassant le sol sont rapidement sorties du plateau de Pomerol. Ces clichés ont ouvert le débat plus large sur les limites à fixer aux pratiques de préparation des sols avant plantation. Les critiques se sont focalisées sur un apport de graves, et ont culminé dans un billet du blog de Jacques Berthomeau : « pendant que l’INAO vérifie avec un pied-à-coulisse la hauteur de l’herbe dans les vignes, à Pomerol on importe sans vergogne du terroir dans les vignes » (en référence au manquement à l’AOC Graves du domaine Liber Pater concernant l’entretien de son sol*).

Rien que du très classique

« Toutes les terres venaient de la parcelle, il n’y a pas de terre exogène » réplique, non sans lassitude, Denis Durantou. Ajoutant que « ces travaux peuvent sembler marquants pour ceux qui ne connaissent pas les travaux viticoles. Mais ce n’était rien que du très classique. » Cette perception ne semble pas avoir été partagée par d’autres vignerons (« on ne draine pas une parcelle en étalant de la grave dessous » en confie un), qui ont directement alerté les services bordelais de l’Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), envoyant des photos en temps réel. En réponse à cette mobilisation inédite, un technicien a été envoyé le jour même sur place.

Il est apparu que Denis Durantou n’avait pas informé le syndicat viticole de ces travaux, le vigneron affirmant ne pas connaître cette obligation. L’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) doit en effet recevoir une notification deux mois avant un drainage, « afin de s’assurer qu’il n’y a pas de modification des sols et de la séquence morphologique » explique Laurent Fidèle, le délégué territorial de l’INAO. L’ODG a dans la foulée été saisie, pour que la parcelle soit évaluée par une commission sol et paysage.

Interrogations

« Je suis incapable de dire ce qu’il en est aujourd’hui. Je ne suis pas au courant de cet évènement, on s’y intéressera après les vendanges » botte en touche Jean-Marie Garde, le président du Syndicat Viticole et Agricole de Pomerol. Tout aussi prudent Laurent Fidèle glisse cependant que « sous réserve d’investigation, compte tenu du constat et des photos, on reste sérieusement interrogatifs sur ces travaux de drainage ». L’expert précise qu’il s’agit de la première fois qu’un tel le cas se présente à Bordeaux, une affaire similaire ayant par le passé conduit à un déclassement définitif d’un vignoble.

En cas d’atteinte avérée au terroir, l’aptitude à produire l'AOC peut être irrémédiablement perdue par une parcelle. Ce qui n’est pas sans enjeu économique dans une appellation prestigieuse comme Pomerol. En 2017, le coût de l’hectare à Pomerol avoisinait 1,5 million euros selon la SAFER, ce qui monte le prix d’une parcelle de 62 ares à plus de 900 000 euros.

Au repos

Faisant historiquement partie de l’AOC, « cette parcelle a déjà été drainée, mais mal à l’époque » conclut Denis Durantou, qui désormais « va laisser la parcelle au repos » avant la plantation. Mais il n’est pas sûr que ce dossier reste aussi tranquille.

 

* : « Les deux sujets n’ont rien à voir » évacue Laurent Fidèle, qui souligne que Liber Pater fait l’objet d’un contrôle ponctuel sur un critère corrigeable et ajoute « je vous rassure, on ne mesure pas les hauteurs d’herbe… »

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Tous les commentaires (5)
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craoux Le 04 octobre 2018 à 13:58:00
Je suis sûrement ou bêtement naïf, mais j'aime quand l'on reste accroché à des valeurs qui fondent le cadre à la pratique commune. Ecarter de l'aire AOP délimitée ces sols hydromorphes quasiment reconnus ingrats en l'état pour une destination viticole, aurait été la seule approche de "bon sens". Qu'il y ait eu bien d'autres manières d'approcher cette question - accepter, fermer les yeux, justifier -, eu égard aux intérêts colossaux en jeu, ne peut qu'avoir conduit l'INAO à une perte de crédibilité dans l'exercice de son rôle de gardien du Temple.
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Techer Dominique Le 02 octobre 2018 à 23:50:40
Voisin de Denis Durantou à Pomerol, je ne partage pas à vrai dire sa façon de concevoir le terroir et de le traiter. Cette façon de percevoir nos terroirs comme imparfaits et donc à corriger radicalement, me semble à l'opposé de la notion d'appellation. Denis Dubourdieu disait « le terroir c'est un handicap surmonté ». La sagesse dont nous avons grandement besoin, c'est de faire avec ce qui nous a été donné et de nous autolimiter, même si nous disposons de forces mécaniques autrefois impensables. Mais si on doit déclasser cette parcelle de mon voisin, alors il y en a bien d'autres qui sont éligibles au déclassement. Je fais régulièrement admirer à mes amis de passage une superbe collection photos de plusieurs travaux du même tonneau qui se sont faits quasiment sous mes fenêtres, avec vue imprenable sur l'église néo-gothique. J'ai même saisi l'INAO, à l'occasion d'un de ces « défonçages-draînages », furieux de voir le puits de la maison à sec. La réponse - orale bien entendu - a été claire : « le drainage est une pratique traditionnelle ». J'ignorais que nos grands parents faisaient venir des norias de camions de graves, qu'ils quadrillaient les parcelles de drains avec au bout des tuyaux, des pompes de relevage pour évacuer l'eau. Après quelques recherches dans les albums de famille, qui remontent quand même à plus d'un siècle, pas la moindre trace photographique ! Mais l'INAO reste bien entendu et pour l'éternité, le détenteur de la vérité reconstituée. Je ne conseillerai à personne l'ophtalmologue de notre président de syndicat qui, depuis le temps que cela dure, n'a rien vu, rien entendu et n'a rien à déclarer. J'espère que sortira de cette affaire, la prise de conscience du délire dans lequel la puissance financière et mécanique a plongé certains. La terre ne mérite pas de tels traitements. Pour conclure, je dirai que, au lieu de s'acharner sur un collègue, faisons plutôt respecter des règles de bon sens paysan, et surtout, faisons les respecter par tous de façon équitable.
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Bordelaid Le 28 septembre 2018 à 22:07:04
Le pauvre Denis paye peut être pour d'autres ! En effet, ces pratiques sont régulièrement adoptées, comme d'autres d'ailleurs. Je pense notamment aux défonçages profonds, à l’évacuation des couches supérieures pour être remise en place après la mise en forme de parcelle pour obtenir des billards ou des pentes, et même des systèmes de gestions de hauteur des nappes d'eau sous certains vignobles prestigieux... Du coup en effet, certains finissent par trouver ces pratiques onéreuses, et dévastatrices, comme en fait "rien que très classiques"... Y'a pas besoin d'être ingénieur agro pour comprendre çà, Juste un peu de bon sens paysan !!! et de conscience...
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globule Le 27 septembre 2018 à 18:44:03
Pour être passé plusieurs fois entre le mercredi et le vendredi sur la D1089 et donc avoir vu les travaux avancer, je peux vous assurer que le drainage à été réalisé dans les règles de l'art. MAIS qu'ensuite des camions de cailloux ont été bennés et étendus sur toute la surface de la parcelle. Ces cailloux n'était pas des suppléments de drainage car livrés une fois que le drainage a été réalisé... Preuve en est votre photo... On voit clairement qu'une couche supplémentaire de cailloux est étendue, que des tas sont en attente. Autre problème... les tournières en AOC sont sensées être enherbées pour éviter aux éventuels résidus phytosanitaires d'aller au fossé et donc polluer les eaux... là elles ont été réalisées en calcaire.... Tout cela est écrit noir sur blanc dans le cahier des charges de l'AOC Pomerol... Si monsieur Durantou ne connaissait pas ce point...nul n'est sensé ignorer la loi ! Il a déjà fait la même chose (tournières en calcaire) au château les Cruzelles il y a quelques années Cela en dit beaucoup sur les pratiques de certains viticulteurs toutefois minoritaires.
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GUITOO Le 27 septembre 2018 à 10:54:17
Etant du secteur, la pratique est très courante, elle n'est pas un drainage mais de l'esthétique, les premiers à le faire ont été les moueix (petrus). C'est cette grave qui donne le gout à Pétrus, cela est vrai, maintenant toute l'appellation ressemble à petrus (mais sur 5 cm).
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