près une récolte 2017 historiquement faible, le vignoble français pourrait renouer avec une vendange normale en 2018 : 46,8 millions d’hectolitres de vin seraient produits selon les premiers pronostics de l’Agreste (le service statistique du ministère de l’Agriculture). Réalisées mi-juillet, ces premières estimations suscitent leur lot de critiques habituelles, pour ne pas dire moqueries faciles. Des producteurs aux représentants du vignoble, ils sont nombreux à ne voir dans cette note qu’un exercice administratif trop précoce pour être fiable* et trop détaillé dans ces estimations pour ne pas devenir un outil au seul bénéfice du négoce.
À quoi servent donc ces prévisions d’Agreste ? À part à rédiger des articles (et éditos) pendant la période creuse de l’été, ces notices donnent d'abord une photographie du potentiel de production à un instant donné. Forcément partiel, l’exercice ne cache pas ses limites. Qu’il s’agisse de l’échantillonnage des parcelles de référence, l’expertise de ses référents sur terrain et, évidemment, l’incertitude sur la suite de la campagne. « Tant que les raisins ne sont pas en cuve, rien n’est acquis » répètent, non sans une légitime inquiétude, tous les vignerons. Mais la note estivale de l’Agreste donne surtout le film des incidents ayant entamé le potentiel de production du vignoble français. Ce qui permet à chacun de prendre du recul sur la campagne viticole en cours et se préparer à sa commercialisation. Pour mieux anticiper sa valorisation.
Marquant les esprits par leur violence, les orages répétés de grêle de 2018 sont ainsi restés localisés. Leur impact sur la récolte à venir restant faible. Ce qui n'est pas le cas du mildiou, qui gagne le titre de fléau du millésime, avec une virulence contenue dans une poignée de vignobles (notamment la Champagne, une partie du Val de Loire et de la vallée du Rhône). Le mildiou va entraîner des pertes de récolte conséquentes (notamment à Bordeaux et dans le Midi), qui sont probablement sous-estimées par l'Agreste. Complexe climatiquement et sanitairement, ce millésime devrait être productif grâce à la belle sortie de grappes : à l'heure de la véraison la filière doit commencer à défendre la qualité de ses raisins, pour que les marchés n'associent pas 2018 à la grêle et du mildiou. Donner des pistes stratégiques pour la prochaine campagne de vente est l'une des vertus non négligeable de la note de l'Agreste.
* : Pour la vendange 2017, l’estimation de mi-juillet (à 37,6 millions hl) était surestimée de 2,4 % par rapport à la déclaration de récolte arrêtée par les Douanes (à 36,7 millions hl).