Dans son dernier rapport, The IWSR révèle que la consommation mondiale de vin a gagné 0,6% en 2017 par rapport à 2016, se traduisant par un gain en volume de 12 millions de caisses pour les vins tranquilles. Dans le même temps, le cabinet Euromonitor souligne que si, à première vue, l’augmentation de 1% du secteur des boissons alcooliques au niveau mondial peut paraître faible, elle représente la plus forte hausse depuis cinq ans. Mais derrière ces données globales, une révolution est en train de s’opérer, à la fois sur le plan de l’alimentation et de la logistique, avec force conséquences pour le secteur du vin.
Les restaurants classiques se réinventent
Dans un rapport publié ce mois-ci par la banque néerlandaise Rabobank, l’analyste Maria Castroviejo tire la sonnette d’alarme sur l’évolution de la restauration et le manque à gagner potentiel pour le vin. Les difficultés subies par le secteur CHR sur de nombreux marchés matures ont été très médiatisées ces derniers temps. En cause notamment : les incertitudes économiques qui rendent les consommateurs moins enclins à fréquenter les restaurants ; le gel sur les salaires et donc un pouvoir d’achat en panne ; et l’arrivée d’une nouvelle génération de consommateurs qui privilégient d’autres expériences, comme les micro-brasseries avec formules de restauration. La quête de commodité et de praticité est en train de remettre en cause les modèles de restauration classiques, tandis que la mutation profonde des habitudes d’achat dans le domaine des biens de consommation a eu pour effet de modifier les attentes et les comportements sur le plan alimentaire. Il en est de même pour la tendance bien-être et santé. Ainsi, la composition de nos régimes alimentaires évolue à grands pas – entraînant de nouvelles préférences en matière de profils des vins – de même que les contextes dans lesquels nous consommons.
La fréquentation des restaurants va fortement diminuer
« Le succès grandissant des commandes en ligne et des plateformes de livraison a favorisé le développement des repas à emporter proposés par les restaurants classiques », note l’analyste de la Rabobank. Empiétant sur le terrain des livreurs de pizzas et autres services de fast food, les restaurants tentent de faire face à la concurrence en offrant la possibilité de se faire livrer à domicile. Mais voilà que, selon la Rabobank, la carte des vins est souvent médiocre, se limitant parfois à deux choix, l’un en rouge, l’autre en blanc. Cela, malgré le fait que le nombre de restaurants qui proposent ce service en ligne a fortement augmenté depuis 2015. Et selon la banque néerlandaise, la tendance ne devrait pas disparaître d’aussitôt, tant elle correspond aux nouveaux styles de vie et habitudes de consommation. Jusqu’à récemment, cette offre complémentaire a permis de développer les recettes sans que cela se fasse au détriment des repas pris en salle. Mais d’après les chiffres fournis par Euromonitor, la part de ces derniers a désormais commencé à régresser et devrait poursuivre cette orientation à l’avenir, notamment dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal et la France, et dans une moindre mesure, en Allemagne, Autriche, Belgique et Italie.
Un manque à gagner pouvant atteindre 100 € millions
Pour un pays comme la France, la part des recettes provenant des repas consommés sur place diminuerait de moitié d’ici 2022. Au Royaume-Uni, ils ne devraient représenter qu’une infime partie du chiffre d’affaires. Or, les ventes de boissons constituent typiquement environ un tiers des recettes totales des restaurants. « Etant donné que la plupart des restaurants classiques en Europe occidentale sont de type gastronomique, le vin représente un montant important sur la note ». L’offre actuellement proposée pour les repas à emporter ne permettrait pas de compenser cette transition, faisant dire à Maria Castroviejo que le manque à gagner pourrait totaliser quelque 100 millions d’euros par an pour les boissons, impactant notamment les vins. « Au Royaume-Uni, le vin blanc et le vin rouge représentent les deux boissons les plus couramment choisies au restaurant, et en France, le vin génère au moins les deux-tiers des recettes globales provenant des boissons dans les restaurants où on mange sur place ». Certes, l’absence d’achat de vin auprès de l’établissement qui fournit le repas ne signifie pas qu’aucun vin ne sera consommé. Mais comme le souligne la Rabobank, les circuits de distribution et les fournisseurs du secteur CHR sont souvent distincts de ceux du commerce de détail, et les acteurs du CHR pourraient donc voir leur chiffre d’affaires diminuer de manière significative.
Proposer une offre dédiée à la vente à emporter
Dans ce contexte, la banque préconise de travailler la carte des vins destinée à la vente à emporter différemment. Non seulement le choix des produits proposés doit-il être revu et corrigé, mais il doit également tenir compte des problématiques liées au transport. « Plus ce nouveau circuit deviendra pertinent pour le consommateur, plus les restaurants devront proposer une carte des vins dédiée, de la même façon que les restaurants commercialisent déjà d’autres références que celles proposées en magasin ». Enfin, en l’absence d’un sommelier ou d’un serveur, il faudra également renforcer la communication pour guider les consommateurs dans leur choix, sachant que « l’origine, le profil gustatif, l’alliance des mets et des vins et le storytelling resteront des arguments de vente clés ».