« Nous avons soumis un dossier sur la base d’une ré-inscription du cuivre à 6 kg/ha/an avec un lissage sur 5 ans, avec la possibilité de monter jusqu’à 8 kg/ha certaines années, sans le moindre risque. Nous défendons la nécessité de maintenir le lissage, car c’est le seul outil qui permette aux agriculteurs d’adapter leur utilisation de cuivre à la pression et à la durée des maladies, en particulier pour la filière agriculture biologique".
Etes-vous confiant sur la ré-homologation du cuivre ?"Oui. Le cuivre devrait être ré-homologué. Mais dans quelles conditions ? Il est encore prématuré pour le dire. La commission a pris acte des problèmes posés par les méthodes d’évaluation qui ne sont pas adaptées aux matières actives d’origine minérale comme le cuivre. Elle va donc mandater l’EFSA pour travailler à l’élaboration de nouvelles méthodologies, mais cela peut prendre plusieurs années. En attendant, il y aura des compromis. Ce n’est pas l’idéal".
L’Anses plaide pour une limitation à 4 kg/ha/an. Pourquoi ?"Le problème que l’on pourrait éventuellement rencontrer avec le cuivre est son accumulation dans les sols et sa toxicité pour les vers de terre à long terme. Il y a des efforts à concéder pour réduire ces risques et la Task Force est favorable à une réduction des doses, dans la mesure où elles assurent un niveau d’efficacité minimum. Il faut d’ailleurs noter que les doses d’utilisation moyenne du cuivre ont fortement diminué au fil des années, grâce aux améliorations des formulations, au recours aux Outils d’Aide à la Décision, aux Bonnes pratiques Agricoles… en maintenant un degré de contrôle élevé. Or 4 kg/ha/an s’avèrent insuffisants les années à forte pression de maladies (mildiou, bactérioses…), en particulier pour les producteurs bio. Depuis 2003, nous menons une étude sur les vers de terre. Nous appliquons chaque année sur un sol recouvert d’herbe des doses de 4, 8 et 40 kg de cuivre/ha. En 2015, nous avons soumis un rapport présentant les résultats obtenus jusqu’en 2013, qui montre que les doses de 4 et 8 kg/ha ne posent aucun problème (pas de différence statistique entre ces 2 doses). Ces conclusions ont par ailleurs été confirmées par un groupe d’experts indépendants. Mais l’Anses a une interprétation différente des résultats et considère qu’il y a un risque au-delà de 4 kg/ha/an. Nous poursuivons l’étude pour déterminer le risque lié à l’accumulation du cuivre dans le sol et à quel terme il devient problématique, sans perdre de vue que les pratiques réelles d’utilisation auront moins d’impact".
Qu’en est-il des risques pour les oiseaux ?"Dans son rapport, l’Efsa pointe un risque très important du cuivre pour les oiseaux. Ceci est basé sur un modèle qui prend en compte les résidus dans la nourriture des oiseaux et leur dégradation. Ce modèle est valable pour les produits de synthèse mais n’est pas adapté au cuivre, qui se trouve naturellement dans la nourriture des oiseaux (insectes, fruits, herbe), même en l’absence de traitement fongicide à base de cuivre. Du coup, en signalant déjà un risque avec ces teneurs naturelles en cuivre, le modèle surestime largement le risque. Si l’on se base sur ce modèle et les résultats qui en découlent, tous les oiseaux devraient déjà être morts ! Nous prônons une approche de type « poids de la preuve » comme prévue par la réglementation et la prise en compte d’études bibliographiques. En horticulture, une publication montre que l’application jusqu’à 5 kg de cuivre pendant la période de reproduction n’a pas d’effet négatif sur la reproduction des oiseaux".
Et pour les organismes aquatiques ?"C’est la même chose. Le modèle utilisé par l’EFSA n’est pas adapté au cuivre et surestime encore le risque. D’après ce modèle, les teneurs naturelles en cuivre de la plupart des rivières européennes devraient entraîner la mort de tous les poissons, ce qui n’est pas le cas ! Ceci est lié à deux hypothèses erronées du modèle :
1.tout le cuivre qui pourrait arriver dans l’eau sera dissous
2.le cuivre est présent dans sa forme la plus toxique pour les organismes aquatiques.
Mais la plupart du temps, le cuivre se lie à la matière organique dissoute et aux sédiments et n’est donc pas biodisponible".
Les autorités pointent aussi un risque pour les travailleurs ? Qu’en est-il exactement ?"Pour évaluer les risques des produits phytosanitaires pour les travailleurs, les autorités utilisent depuis peu un nouveau modèle. Or d’une manière générale, en viticulture, celui-ci surestime fortement le niveau de transfert des produits fongicides vers la peau. L’UIPP et l’ECPA ont mené des études qui montrent que les niveaux de transfert sont en réalité à peu près cinq fois moindres que ceux utilisés dans le modèle, mais pour le moment, ces données ne sont pas encore prises en compte.
Autre problème posé par le modèle, spécifique au cuivre : il surestime aussi fortement l’absorption dermale. Nos études montrent que le cuivre ne passe pas au travers de la peau. Cependant, le modèle intègre aussi les dépôts résiduels dans la peau. Ceci est pertinent pour des produits organiques qui pénètrent dans la peau par diffusion passive, ce qui n’est pas le cas du cuivre. On se heurte à nouveau à des problèmes méthodologiques, lié au fait que le cuivre se comporte différemment d’un produit de synthèse".