nstallés sur un rond-point à Venizel sur la commune voisine d’Acy, Marie-Madeleine Caillet-Desmaret, Antoine Mazurkiewicz et Dominique Pienne ont entamé une grève de la faim le 19 mars. Leur camionnette leur permettra de prendre du repos et un panneau explique leur action : « Acy viticole veut revivre, les Champenois l’étouffent ». Car, les trois compagnons sont en guerre : ils souhaitent planter des vignes sans IG sur leur terre pour produire un vin, « comme cela se faisait au début du vingtième siècle : des vins tranquilles rouges, blancs et rosés » indique Marie-Madeleine Caillet-Desmaret. Pourtant, le ministère a tranché dans l'arrêté paru le 28 février 2018, limitant les plantations du bassin champenois à 0,1 ha.
Pourquoi aller vers tant d’extrémisme ? Une action en justice ne serait-elle pas mieux proportionnée ? « Nous avons l’impression d’être devant un mur. Nous attendons depuis un an de pouvoir planter. Nous allons faire un recours auprès du Conseil d’Etat, mais ce n’est pas suffisant. Car la question se posera de la même façon l’année prochaine » explique Marie-Madeleine Caillet-Desmaret. Ils attendent donc une validation de leurs demandes de plantation 2018 et mettent la pression pour qu'une décision politique soit prise. Les trois compagnons ont dans leur ligne de mire les producteurs de Champagne qui s’y opposent : les demandes s’exercent en effet dans l’aire délimite de l’appellation champagne. Les producteurs de Champagne font valoir qu'ils ont largement montré leur volonté de négocier en témoigne l'évolution de leur position. Au départ, celle-ci défendait une régulation stricte des plantations de vins sans IG sur un périmètre large : aire actuelle du Champagne, aire étendue après la révision de la délimitation de l'AOC et cordon de sécurité d'une largeur de trois communes autour de ce périmètre central. Désormais, les producteurs champenois proposent de réguler strictement les plantations de vins sans IG dans l'aire actuelle, l'aire future et un cordon réduit à 58 communes. Avec cette nouvelle position, les producteurs champenois insistent sur le fait qu'une large partie du bassin peut être librement plantée.
Le débat s’inscrit sur fond de création de l’IGP Ile-de-France : les plantations en vins sans IG pourraient obtenir cette dénomination si elle est créée. « Nous allons déposer le cahier des charges le 5 avril prochain à l’INAO » annonce Patrice Bersac, président du Syvif (Syndicat des vignerons d’Ile-de-France). La commune d'Acy est concernée par la création de cette IGP. Là encore, les producteurs de Champagne sont méfiants de cette demande. Notamment, parce qu’il est actuellement impossible de savoir où, précisément, passera le trait de la région de l’aire de l’AOC Champagne. Cette incertitude conduit notamment une partie des producteurs du soissonnais à préférer attendre pour planter. Par ailleurs, les producteurs de Champagne sont ouverts à la discussion concernant la délimitation de l'aire de l'IGP Ile-de-France. Ils souhaitent être rassurés sur le périmètre et le profil des produits. Ils ont été fortement refroidi par certains produits détournant manifestement la notoriété de l'AOC Champagne. Ils citent des cas de vins sans IG produits à proximité de l'aire champenoise se présentant "comme du Champagne".
Michel Servage, président du Comité national des IGP, appelle à ce que les acteurs locaux se parlent pour définir « où passe la bordure de l’IGP Ile-de-France » et soutien la création d’une zone de mixité Champagne et vin sans indication géographique. Cette demande a d’ailleurs été soumise à la Champagne par le Syvif. Et Michel Servage d’analyser : « c’est au niveau ministériel que cela devrait être tranché ». Pour la Champagne, le ministère a déjà tranché avec l'arrêté du 28 février.