yant marqué les esprits de nombreux vignerons français, « la gelée tardive du 20 avril 2017 peut être prise comme un évènement météorologique isolé. Mais quid de l’évolution du risque dans un climat qui change ? » pose le chercheur Didier Swingedouw (CNRS), ce 16 mars, lors de la matinée technique de l’association des œnologues de Bordeaux*. Le climatologue souligne que si le changement climatique va conduire à une hausse des températures, « ne dormez pas sur vos deux oreilles en vous disant qu’il y aura moins de risque de gelées tardives. Ce n’est pas si simple… La phénologie de la vigne change aussi. »
Pour déterminer l’évolution du risque gélif, le membre du Groupement Intergouvernemental des Experts du Climat (GIEC) a couplé un scénario de réchauffement climatique (le plus pessimiste, baptisé RCP 8,5) à huit modèles climatiques (chacun amenant à un réchauffement global du climat français) et trois modèles phrénologiques du débourrement du chardonnay (soit GDD, une somme des températures au premier janvier, BRIN, un modèle séquentiel débutant à la sortie de dormance et FENOVITIS, modèle parallèle développé pour le vignoble italien).
En croisant ces données, il apparaît que la date la plus probable de dernière gelée pour la période 2071-2100 avance d’un mois, passant au début mars quand elle était début avril pour 1979-2008. Mais dans le même temps, le moment de débourrement probable bondit de 40 jours, passant du 31 avril au 21 mars. Si la date possible d’une dernière gelée continue de précéder le moment attendu du débourrement, le risque de gel devient également plus étalé, plus diffus dans le temps. Alors que la probabilité de la date débourrement reste concentrée et avance plus vite. Cette dernière bénéficiant sans doute d’un effet cumulatif par rapport à effet ponctuel du gel avance Alain Blanchard, le directeur de l’Institut Supérieur de la Vigne et du Vin.
Estimée à l’échelle nationale, cette augmentation du risque a été cartographiée à l’horizon 2100 sur les bassins viticoles. Les risques resteraient globalement stables à Bordeaux, en Corse, dans le Languedoc en vallée de la Loire, dans le Rhône et le Sud-Ouest. Mais la probabilité de gelée tardive augmenterait de 10 % en Alsace, Bourgogne et Champagne.


Les différences, parfois notables, de résultats en fonction des modèles phrénologiques demande cependant à l’étude d’être affinée prévient Didier Swingedouw. Citant Henri Bergson, le climatique souligne que « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que l’on va en faire ». Et évoque le développement de solutions viticoles (de l’adaptation de la taille à la mise en place d’asperseurs, de braseros, de tourelles…), voire d’une start-up pour évaluer les évolutions du risque climatique.
* : Qui était dédiée aux rapports entre eau et vin. Ici la gelée de l’eau qui déchire les tissus.