’était couru d’avance, il y aura eu plus invectives que d’encouragements échangés lors de cette première réunion de travail du 9 mars sur les traitements phytosanitaires sous les lambris du premier étage du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « Je considère que nous partageons les mêmes objectifs, mais nos impératifs sont différents. Selon mon interprétation, vous mettez en exergue ce qui ne va pas, alors que notre besoin est d’embarquer l’ensemble de la filière » analyse Allan Sichel, le président du CIVB.
Ouvrant ainsi la réunion de travail où étaient invitées les activistes antiphytos Marie-Lys Bibeyran (Collectif Info Médoc Pesticides) et Valérie Murat (Alerte aux Toxiques !). Si le ciel couvert de ce vendredi après-midi est resté menaçant, les éclairs n’ont pas tardé à fuser sous le regard des journalistes conviés à arbitrer cet échange moins serein que musclé.
Exemple avec les produits Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques (CMR). Tenant de modérer le débat dans le cadre de l’ordre du jour, Allan Sichel estime ainsi que « le CIVB préconise d’éviter totalement les CMR, mais n’a pas le pouvoir de les interdire. Notre discours, c’est de demander l’évitement. Ce qui se concrétise, avec une diminution de 55 % du recours aux CMR entre 2014 et 2016 en Gironde. »
Une démonstration des vertus de l’incitation qui ne convainc pas Valérie Murat. « Les bonnes intentions ne peuvent pas être suffisantes. Il faut planifier une sortie concrète sur trois ans. Vous pouvez conditionner le financement des groupes organiques à l’interdiction de CMR. Et inscrire le vignoble bordelais dans la conversion à la bio, la viticulture d’avenir. » L’activiste cite en exemple les chartes zéro CMR de Baron Philippe de Rothschild ou de la cave de Rauzan.


« Ce n’est pas par la contrainte que l’on y arrivera. Cela créerait des résistances. Dans deux à trois ans, le sujet des CMR sera derrière nous, les volumes seront anecdotiques. Ce que nous voulons vous faire admettre, c’est que le mouvement lancé est rapide et généralisé. C’est une victoire et vous y contribuez » pose Bernard Farges, le vice-président du CIVB. Le viticulteur bordelais veut croire qu’interprofession et antiphytos tendent à un objectif commun, mais suivent des moyens différents pour y arriver.
Estimant que les buts sont bien différents entre les deux parties, Marie-Lys Bibeyran juge que le CIVB a une attitude « criminelle » en ne durcissant pas les restrictions de traitements phytos à proximité des écoles. « Depuis Cash Impact, je reçois sans arrêt des appels de parents. Posez-vous la question de l’image des vins de Bordeaux » lance l’activiste médocaine.
« Notre rôle, c’est que tout le monde avance. Votre rôle, c’est de montrer ce qui ne va pas. Les compteurs montrent que cela fonctionne, mais il y a toujours des cas douloureux. La filière peut travailler pour y répondre, comme l’école de Saint-Genès du Lombaud l’an dernier » a rappelé Fabien Bova, le directeur du CIVB.
Les voix se haussant et les débits s’accélérant, le jeu de ping-pong a finalement duré deux heures et demie. Au terme desquelles les parties prenantes peuvent être satisfaites d’avoir pu exposer leurs arguments et points de vue, à défaut d’avoir pu convaincre ceux en face. La tension dépassant l’attention.