Il n’y a pas de raison qu’il y ait de tensions entre vigneron et riverains à proximité d’une école ! C’est le lieu le plus simple à protéger, il suffit de traiter le vendredi soir ou le samedi matin pour lever les inquiétudes » martèle Bernard Farges, le président des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieurs, ce 27 juin lors de la réunion d’information sur les phytos dans l'école maternelle de Saint-Genès-de-Lombaud. Devant une cinquantaine de parents d’élèves et d’opérateurs du vignoble, le viticulteur bordelais s’est ingénié à désamorcer les tensions couvant entre activités viticoles et scolaires.
À la faveur d’une fraîche nuit d’été, l’Organisme de Défense et de Gestion bordelais a porté son ouverture au dialogue avec un guide de vivre ensemble. Mis à la disposition des mairies girondines (avec le conseil de les transmettre aux administrés), le document fait l’article du « respect des règles élémentaires de savoir-vivre pour de bonnes relations de voisinage ». Et en cas de difficulté à la bonne entente entre les parties, le fascicule donne les coordonnées des viticulteurs référents pour faire office de médiateurs.


Ce dialogue entre habitants et exploitants est la clé d’un partage de l’espace apaisé répète Bernard Artigues, le président de la Chambre d’Agriculture de Gironde (CA 33). Pour mettre en pratique ce précepte, il propose l’ouverture des conseils d’administration de la CA 33 à des représentants de la société civile. Avec l’idée de mieux pouvoir entendre les préoccupations des riverains, et surtout de pouvoir communiquer sur les actions vertueuses qui se multiplient au vignoble : réduction des doses, investissement dans des pulvérisateurs confinés…
« Ici, on en est tellement loin de tout ça… » a coupé court une mère, visiblement excédée par une situation envenimée. Plus que la bonne volonté affichée par les représentants du vignoble, les parents d’élève de Saint-Genès-de-Lombaud attendaient des explications des vignerons voisins de l’école*. « Je suis l’exploitant d’une parcelle [de 80 ares contre la route] qui pose problème » a lancé Jean-Bernard Guéridon (château Haut-Pougnan). Évitant de trop s’étendre sur ses pratiques passées, le fermier a préféré promettre un meilleur avenir : de l'essai de protection phyto sans CMR à la procédure de déclaration d’utilité publique (pour que la parcelle soit arrachée). Lancées pêle-mêle, ces annonces ont suscité les applaudissements de l’auditoire. Qui espère qu’elles seront tenues, au vu de relations historiquement tendues.


Témoignant du désir de dialogue de part et d’autre, cette réunion a également souligné des demandes irréconciliables. En deux heures d’échange, les parents d’élève ont réclamé non seulement la communication des dates de traitement, mais également la liste des produits utilisés. « Sinon l’information est lacunaire ! Et l’on ne sait pas s’il s’agit de CMR, avec des délais de rentrée de 48 heures que l’on retrouve dans la pelouse de l’école » s’emporte une jeune mère. « S’il y a des résidus dans l’école, ce n’est pas un problème de CMR, mais d’application à améliorer » nuance Thomas Solans, le vice-président des Jeunes Agriculteurs de Gironde. Tout en précisant que si les riverains militent pour des pulvérisateurs à panneaux récupérateurs, les conséquences financières et techniques sont lourdes pour la propriété.
« Je ne suis pas sûr que donner le détail des produits soit la solution la plus pertinente. Traiter le vendredi soir ou le samedi midi résout tout » renchérit Bernard Farges, qui assure que dans moins de cinq ans les CMR ne seront plus un sujet, par entraînement plus que par stigmatisation. « Nous avançons parce que nous sommes bousculés, mais plus vite qu’on ne le pense » conclut-il. Récoltant un avis favorable de l’éclectique jury, qui espère que la prochaine année scolaire se placera sous de meilleurs auspices. Sans besoin de recourir à un tel conseil de discipline.
* : Un seul viticulteur était présent, l’autre n’étant finalement pas venu.
L'école maternelle est au sens propre au milieu des vignes, la cour de récréation n'en étant éloignée que de quelques mètres, et isolée par des panneaux de roseaux.