Il faut s’ouvrir à moins de technologie. À moins de concepts, de préceptes, de recettes d’œnologue… Je pense que le récipient est l’élément le plus important » expose, pêle-mêle, Sébastien David, vigneron en biodynamie à Saint-Nicolas de Bourgueil. Le président de Loire Vin Bio plantait ainsi le décor de sa conférence sur les jarres vinaires ce 6 février, sur le salon des vins de Loire. Cette séance d’initiation a directement rappelé le bon usage des mots : il faut parler de jarres et non d’amphores, ce dernier terme étant trop réducteur (signifiant étymologiquement « vase à deux oreilles »).
Allant d’un litre à 80 hectolitres, les jarres de vinification partagent une forme ovoïde qui permettrait de créer un « thermosiphon. Avec les écarts de température, les lies montent dans un mouvement circulatoire naturel » explique Sébastien David. Si le vigneron ligérien reconnaît que la réalité de ce mouvement est encore discutée scientifiquement, il estime que ses vins prouvent que le processus donne un résultat plus fin qu’un bâtonnage mécanique (qui révéleraient les arômes réducteurs en remuant les lies grossières selon l’expert). Alors que Sébastien David estime que la jarre permet de n’avoir que des lies fines, comme si les molécules solides étaient râpées par la rugosité du matériau de la jarre. Soit une forme de dissolution de la matière.


Cette approche, pour ne pas dire philosophie, de l’élevage repose sur l’idée d’une infusion longue à basse température, plutôt qu’une extraction rapide dans la chaleur. Il s’agit d’un élevage où « il ne faut pas séparer la mère de l’enfant » comme le disent traditionnellement les vignerons géorgiens, qui voient dans le qvevri, la jarre enterrée traditionnelle de leurs cuviers, un outil de travail minimaliste.
« En Géorgie, on dit que faire un vin prend le même temps que pour faire un enfant. Soit neuf mois. Il ne faut pas séparer pendant ce temps le vin des lies, qui sont le cordon ombilical. L’élevage met le vin sur pied pour qu’il marche de lui-même » rapporte la journaliste américaine Alice Feiring . Le qvevri est ainsi « plus qu’un contenant à vin. C’est un objet mystique » rapporte la journaliste, qui parle même de terroirs d’argiles, recherchés par les vignerons pour accompagner idéalement leurs vins. Une technique orientale nécessitant peu d’interventions, comme un retour aux traditions souligne Sébastien David.