Bordeaux
Les résidus CMR des vins de Bernard Farges dénoncés par les antiphytos

Dénonçant un double langage, deux associations girondines ont fait analyser une cuvée du « M. Sortie des pesticides à Bordeaux », qui ne s'émeut pas de cette attaque personnelle mais rappelle que son exploitation est engagée dans la réduction des produits phytosanitaires.
« Je ne prétends pas être meilleur que les autres, mais pas moins bon pour autant. Je suis également responsable professionnel, mais mon métier est d’être viticulteur. Je suis très à l’aise avec la protection de mon vignoble », pose le viticulteur Bernard Farges, qui préside le syndicat viticole des Bordeaux et Bordeaux Supérieur et la Confédération Nationale des producteurs de vins AOC (CNAOC). Cette déclaration fait suite à sa mise en cause directe par des associations antiphytos. Ces dernières ont en effet commandé une analyse multirésidus phytos au laboratoire nîmois Phytocontrol pour la cuvée 2014 du château l’Enclos (cave de Sauveterre Blasimon, Union de Guyenne). Leur communiqué indique que les analyses ont révélé la présence de 16 molécules phytosanitaires dont quatre produits Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques (CMR)*.
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Les antiphytos reprochent essentiellement à Bernard Farges d’avoir déclaré l’an dernier arrêter l’utilisation de produits CMR sur son exploitation, alors que quatre résidus CMR se retrouvent dans l’un de ses vins. « Il y a quatre ans, je n’étais pas sur une réflexion de sortie des CMR. Depuis il s’est passé beaucoup de choses. Les pratiques ont changé entre 2014 et 2018, comme elles avaient évolué entre 2010 et 2014 », explique Bernard Farges. Qui ne s'émeut pas d'être visé personnellement : « un responsable professionnel est aussi là pour ça... »
« Ce n’est pas une attaque personnelle contre Bernard Farges », martèle Valérie Murat, la porte-parole d’Alertes aux Toxiques. « C’est un homme charmant, je n’ai rien contre lui, mais je suis fatiguée de son double langage. Il faut que les éminents représentants des institutions viticoles balaient devant leurs portes avant de donner des leçons », ajoute la militante, visant l’objectif de réduction et de sortie du vignoble bordelais des phytos que Bernard Farges avait annoncé en 2016, en tant que président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux.
« Il n’y a pas de double langage. Je maintiens mes propos : nous avons pour objectif de diminuer fortement voire de sortir de l’usage des pesticides. Et dans ce "nous" collectif je m’inclus. Certains vont plus vite que moi, mais je ne suis pas à côté du mouvement », conclut Bernard Farges, qui exploite 145 hectares de vigne dans l'Entre-deux-Mers avec son frère.
* : Dans le détail de l’analyse, réalisée ce début d’année, sont trouvés des résidus d’ametoctradine (1,1 microgramme/litre), de benthiavalicarb-isopropyl (3,1 μg/l), de boscalide (4,4 μg/l), de chlorantraniliprole (2,7 μg/l), de cyprodinil (4,2 μg/l), de dimethomorphe (6,1 μg/l), de fenhexamide (30 μg/l), de fludioxonil (3,1 μg/l), de fluopyram (2,1 μg/l), de phtalimide (405 μg/l), d’iprodione (45 μg/l), d’iprovalicarbe (1,9 μg/l), de mandipropamide (5 μg/l), de pyrumethanil (9,7 μg/l), de soufre S8 (9,7 μg/l) et de tebuconazole (1,2 μg/l). Ainsi que des traces en dessous de la limite de quantification, comme le benalaxyl (moins de 1 μg/l). Tandis que la présence de carbendazime (1,1 μg/l) a été écartée, comme étant métabolite d’une autre substance active.
Après le dossier phyto UFC Que Choisir (jugé trop conciliant avec le vignoble bordelais) et avant l'émission de février de Cash Investigations sur les pesticides (dont le contenu nourrit les spéculations), les antiphytos assument ne jamais être mieux servis que par eux-mêmes. « Nous attendons, que derrière l'enfumage du double discours, apparaisse enfin une vraie stratégie offensive de sortie des CMR à Bordeaux. Les riverains, les salariés et les vignerons méritent bien cela » affirment les associations.