Ne pouvons-nous pas créer un groupe de domaines qui croient dans l’importance du réchauffement climatique ? Une union mondiale des vignobles pour réduire les émissions carbone ! » lance Miguel Torres, le président des Bodegas Torres, ce 18 juin lors d’une conférence au salon Vinexpo. Habitué du sujet*, le charismatique vigneron espagnol ne s’en montre que plus pragmatique. Rapportant que s’il a poussé à la création d’un groupe de domaines espagnols luttant contre le réchauffement climatique (Wineries for Climate Protection, WFCP), ses participants n’ont toujours qu’une première question à la bouche : « est-ce qu’il existe un logo du label pour mettre en avant la démarche sur les bouteilles ».
Rejetant également tout détournement commercial des démarches environnementales, la vigneronne italienne Gaia Gaja, dirigeant le domaine italien Gaja (Barbaresco), s’alarme du manque global de prise de conscience des risques encourus. Pour elle, le changement climatique n’est pas encore perçu comme un problème dans le monde du vin : « les consommateurs aiment des styles de vin mûrs et alcoolisés. Avec ce réchauffement, il est plus facile d’arriver à maturité, mais plus difficile de garder l’équilibre acide et la finesse aromatique des grands vins. Nous devons réagir, c’est l’élégance qui est en jeu ! »


« Le vignoble a-t-il seulement bien conscience des effets catastrophiques que le changement climatique aura sur sa production ? » renchérit Miguel Torres, s’appuyant sur des photos des récents incendies qui ont ravagé le vignoble chilien et de l’historique gel qui a traversé l’Europe ce printemps. La vigne étant une plante très sensible au climat, les leviers d’impact sont multiples alerte le professeur Joseph Holdren, de l’Université de Harvard. Si quelques régions peuvent espérer bénéficier ponctuellement d’une hausse des températures moyennes, toutes seront touchées par des accidents météorologiques plus fréquents (grêle, pluies torrentielles, sécheresse…). Tandis que les pathogènes viticoles tendent à être plus agressifs (ne serait-ce qu’avec des cycles démarrant précocément).
Face à cette promesse d’altération des terroirs, « les viticulteurs doivent s’adapter, mais cela est coûteux, y compris en utilisation d’eau et de pesticides » prévient Joseph Holdren, appelant également la filière à faire entendre sa voix. « L’industrie vitivinicole ne pourra pas changer le monde à elle seule, mais elle peut entraîner d’autres activités économiques à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre » conclut Miguel Torres.
* : Il est devenu un héraut environnemental depuis qu’il a vu le documentaire Une Vérité qui dérange de Davis Guggenheim/Al Gore, en 2006.