Frédéric Gueguen : "Le problème majeur auquel la filière est confronté est le manque de vin, car nous ne produisons plus suffisamment. Le vignoble est vieillissant et souffre, depuis plusieurs décennies, des maladies du bois (esca, bois noir), qui impactent énormément le potentiel de production.
Ce manque de volumes est un vrai souci car nous risquons de perdre des parts de marchés. En n'étant pas présents sur certains marchés, nous laissons la place à nos concurrents. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé au Royaume-Uni, où les vins néo-zélandais sont de plus en plus vendus.
Il faut trouver rapidement des solutions pour produire plus régulièrement. Les arrachages de vieilles vignes et replantations ne suffisent pas. Il faudrait pouvoir laisser les terrains nus au repos plus longtemps, mais les entreprises ne peuvent pas se le permettre, car cela grève le potentiel de production et entraîne des pertes de marchés.
Trouver de nouvelles surfaces plantables est une alternative, mais cela nécessite un agrandissement des aires d'appellations actuelles, car la plupart sont déjà quasiment plantées au maximum... D'où un processus encore long avec passage par l'INAO ! Mais cela reste une piste de solution qu'il faut explorer pour l'avenir. Il ne faut pas se fermer cette porte, face à une Nouvelle-Zélande qui se met nettement moins de barrières.
En termes de solutions, nous sommes sinon totalement dépendants de la recherche...
"Une autre conséquence à ce manque de production est l'augmentation du prix des vins. On n'y tient pas spécialement : les vins Bourguignons souffrent d'une image élitiste. Dans l'esprit des gens, ce sont des vins chers. Prenez par exemple un Chablis versus un Sancerre : pour beaucoup, les premiers sont plus chers que les seconds, or c'est souvent le contraire !
La moitié des volumes produits en Bourgogne sont des appellations régionales, qui restent à des prix abordables, autour de 10€. Les Grands crus ne représentent qu'une infime partie de nos vins.
Cette image est un handicap car le consommateur risque d'appréhender nos vins en se disant qu'ils sont trop chers, et de s'en détourner, sans même les regarder. Un des principaux challenge, dans les années à venir, consiste donc à continuer à beaucoup expliquer et communiquer sur l'accessibilité et la grande diversité de nos vins".
La détention et la culture de la vigne, la force de la Bourgogne"Les principales forces de la Bourgogne résident justement dans cette diversité des vins et des terroirs. Mais il y a aussi son lointain passé viticole, qui nous permet de nous inscrire dans le temps, et son tissus d'entreprises. Ces dernières ont su conserver une taille humaine, que ce soit du côté des vignerons comme du négoce.
Ces entreprises sont restées familiales, avec un lien fort avec la terre, qui a su être conservé. Des structures dans lesquelles le marketing et le compte de résultat ne sont pas les seuls à compter.
On constate aussi ces dernières années un « entre-croisement » des activités des deux familles : le négoce devient de plus en plus propriétaire foncier et les vignerons vendeurs et négociants. C'est une bonne chose.
Ce lien avec la terre explique qu'en période de crise ou de difficultés, ces entreprises font le dos rond et continuent ; la recherche de la seule rentabilité économique n'est pas leur objectif et l'outil de travail est préservé. Notre terre, on y tient farouchement ! Ce lien à la terre, et les complications qui vont avec, nous permettent aussi de rester humbles et de retourner aux fondamentaux de notre métier. C'est une force.
Le fait d'être resté vigneron est aussi un avantage car l'authenticité, le lien avec l'Histoire et la culture, sont autant d'éléments recherchés par les consommateurs. Nous devons le mettre plus en avant encore."
Mais une force qui est aussi compromise..."Mais cette force est aussi menacée car il est de plus en plus difficile de préserver ce foncier au niveau des structures familiales. L'image et la belle valorisation des vins attirent les investisseurs, ce qui fait grimper la valeur du foncier.
La transmission est devenu un véritable souci, car il est devenu très coûteux de s'installer pour un jeune, avec des montants très élevés de capitaux à reprendre.
Il faut pourtant parvenir à la poursuivre, car c'est notre outil de travail que l'on pérennise. Selon moi, c'est un vrai challenge pour les années à venir, quasiment aussi important que celui du dépérissement des vignes".