En Gironde, l’administration met ensemble tout ce qui est jaune. Pour moi, il y a une différence entre flavescence dorée et bois noir ! » pose Alain Dejean, le propriétaire du domaine Rousset-Peyraguey (à Fargue, hors AOC Sauternes et sous certification biodynamie privée). Refusant d’arracher une parcelle qui serait infectée au-delà du seuil légal (soit 20 % pour cette maladie de quarantaine), le vigneron conteste mordicus « le taggage de nombreux pieds qui ne correspondent pas à de la flavescence dorée. Je suis un chef d’entreprise, il faut que chaque cep donne. Et je me bats pour que cette vigne, remplie d’esca, ne soit pas arrachée. Le sauvignon gris y donne des raisins aux goûts incomparables de muscat ! »
Si le discours d’Alain Dejean est toujours virulent, il a bien accepté de signer ce 21 septembre un protocole avec le Service Régional de l’alimentation. Le vigneron s’y engage à faire tester ses 277 pieds suspectés d’être atteints de flavescence dorée. Et la présence du phytoplasme est attestée, il s’engage à arracher les ceps contaminés.
Ne voulant cependant pas se limiter à l’habituelle méthode ELISA, Alain Dejean annonce vouloir tester par PCR le génome des prélèvements effectués. Si la réalisation du seul test ELISA sur sa parcelle est estimée à 5 500 euros (pour 20 €/pied), l’ajout de la PCR ferait monter la note à plus de 10 000 euros, selon lui. Le vigneron doit cependant recevoir un millier d'euros de la part du Groupement de Défense contre les Organismes Nuisibles des Graves et du Sauternais (GDON). Mais la participation initialement envisagée par l’Institut National de la Recherche Agronomique* ne serait plus d'actualité. Pour lever le reste des fonds, Alain Dejean compte faire appel à ses clients, leur demandant d’acheter plus de bouteilles pour financer ces tests.


« Les prélèvements sont prévus dans la semaine, et les résultats sont attendus pour le début novembre » explique Xavier Planty, le président du GDON, qui ne cache pas une certaine impatience. Car « à partir de ce moment, on pourra parler sans idéologie. Soit l’on démontre avec certitude les observations du SRAL et du GDON, soit la démarche d’Alain Dejean a une part de vérité, et on l’étudiera. »
Car s’il s’engage bien à arracher les pieds infectés, Alain Dejean se voit en victime d’une chasse aux sorcières. S’opposant à une « solution binaire des instances » (soit traitements obligatoires dans les périmètres de lutte et arrachage des pieds à symptômes), il s’excuse ironiquement « d’être dans le péché et de penser différemment. Mais le voyou constate bien que des pieds marqués repartent avec des raisins » (voir photos).
Vu comme un épiphénomène à l'échelle du vignoble bordelais (le seul foyer de flavescence dorée de la commune de Fargue n’est autre que sa parcelle suspecte), le combat d’Alain Dejean semble pourtant faire boule de neige. Propriétaire du Clos de Mounissens, David Poutays a été convoqué ce 29 septembre à la mairie de Saint-Pierre d’Aurillac par le SRAL, pour son refus d’arracher une parcelle diagnostiquée atteinte à plus de 20 % par la flavescence dorée. À l’issue du constat contradictoire, le vigneron a également signé un protocole de tests complémentaires. Cette fois intégralement à sa charge. Sorti du système des indications géographiques, David Poutays est membre du label privé de biodynamie d’Alain Dejean, Terra Dynamis. « Le vignoble bordelais parle de dialogue, mais il n’accepte pas la différence » lance le vigneron de Fargue.


« Il est très positif d’avoir des approches personnelles différentes, c’est enrichissant. Ne pas produire d’AOC ou choisir un autre type de protection, c’est à leur honneur. Tant que cela n’a pas de conséquences pour les autres producteurs alentour » tranche Bernard Farges, membre du conseil d’administration du GDON Bordeaux, qui assistait à la réunion de Saint-Pierre d’Aurillac. « Dès que le seuil de 20 % d’infection est atteint, ce n’est plus la démarche personnelle qui s’applique, c’est l’arrêté préfectoral d’arrachage. Nous voulons bien être à l'écoute, mais il faut respecter l’outil collectif » prévient-il.
* : Si cet investissement n'est plus assuré, « l’INRA est intéressé par ces analyses pour sa base de données sur les pieds asymptomatiques. Ainsi que par la possibilité de tester les fondements de la démarche d’Alain Dejean. Les constats seront étayés sur le plan scientifique » rapporte Xavier Planty.