On peut considérer que je suis hors-la-loi devant l’arrêté préfectoral [sur la flavescence dorée] » reconnaît, non sans une certaine fierté, le vigneron Alain Déjean (domaine Rousset Peyraguey). Convoqué ce 7 septembre à la mairie de Fargues pour faire le point avec les services préfectoraux, il a martelé son refus d’arracher une parcelle, considérée par le GDON du Sauternais comme atteinte à plus de 20 % par la flavescence dorée. Pour Alain Déjean, ces vignes sont juste déséqulibrées microbiologiquement (à la suite d’un manque d’eau).
« Je ne suis pas un fou, je suis sûr à 50-60 % qu’il n’y a pas de phytoplasme. La parcelle demande du temps, et je peux démontrer qu’il y a des solutions alternatives. Mais on ne permet pas aux paysans de les mettre en place » clame-t-il, drapant de manière répétée son opposition dans le rejet des insecticides et autres traitements d’éradication.
Se voyant comme un nouvel Emmanuel Giboulot, le vigneron girondin est cependant dans une situation bien différente du symbole bourguignon contre les traitements insecticides systématiques. En 2014, Emmanuel Giboulot avait en effet été poursuivi en Bourgogne pour ne pas avoir réalisé de traitements obligatoires (sur un département alors indemne). Alors que pour Alain Déjean, le GDON des Graves et du Sauternais a tagué l’an dernier 280 ceps suspects sur l’une de ses parcelles, de 800 pieds, sur la commune de Fargues. Le protocole d’analyse a confirmé la présence du phytoplasme de la flavescence dorée, avec un taux de contamination supérieur à 20 % impliquant un arrachage de toute la parcelle, maladie de quarantaine oblige.
Alain Déjean a décidé de ne pas arracher ses vignes, et de ne pas respecter l’arrêté préfectoral en vigueur, étant convaincu qu’il n’y a pas de preuve établie sur la contamination de sa parcelle. A l’entendre, les analyses présentées n’ont pas pu être reliées à un cep en particulier. « Quand on attaque officiellement quelqu’un, avec le tampon bleu-blanc-rouge, on arrive avec des analyses » lance Alain Déjean.
Au terme de la réunion du 7 septembre, une solution a été trouvée, qui devrait donner l’occasion à Alain Déjean de démontrer la pertinence de son approche alternative des équilibres. « On a signé un constat, avec l’engagement de sa part à réaliser des analyses cartographiées, pied par pied, à ses frais*. Et à arracher tous les pieds infectés. Un protocole doit être signé pour ce 21 septembre » rapporte Xavier Planty, le président du syndicat viticole de Sauternes et du GDON local, qui prenait part à la réunion.


Jusque-là considéré comme un sympathique hurluberlu par ses camarades vignerons, Alain Dejean déclenche désormais des réactions lassées, voire exaspérées. « Il a ses convictions, ce qui est peut être enrichissant. Mais dans ce cas, il faudrait lui donner une gifle : je plains les châteaux dont les vignes touchent les siennes… » confie un vigneron de la commune de Fargues.
Zone particulièrement contaminée par la flavescence dorée, le Sauternais n’apprécie pas le risque collectif encouru à cause de convictions individuelles. D’autant plus que le vignoble bordelais se flatte d’avoir mis en place des dispositifs dérogatoires réduisant les traitements obligatoires aux seules zones où la présence du phytoplasme est avérée (depuis cette année).
« Globalement, tout le monde est d’accord pour arracher les pieds contaminés sans se poser de question, afin de retirer l’inoculum et réduire les traitements obligatoires » conclut Catherine Bastiat, la directrice du GDON du Sauternais et de Graves, qui précise que sur la commune de Fargues, 80 % des traitements obligatoires ont pu être évités.
* : Le GDON du Sauternais pourrait financer une partie de ces frais, ainsi que l’association Générations Futures (qui soutient Alain Déjean dans sa procédure).