Fongicide alternatif
L’anti-mildiou de la vigne qui vient des fonds marins

Prometteuse in-vitro, la préparation de micro-algues doit encore faire ses preuves au vignoble. Sa start-up bordelaise espère surtout des modalités d’AMM allégées pour faciliter son développement.
« Pour les vignerons, notre préparation d’algue présente non seulement une nouvelle possibilité de traiter le mildiou, mais aussi de réduire, en même temps, la pression de Botrytis et d’autres champignons » résume l’ingénieur agronome Laurent de Crasto. Cofondateur de la start-up bordelaise ImmunRise* avec le chercheur Lionel Navarro (Institut de Biologie de l'École Normale Supérieure), il a identifié une micro-algue venant de Bretagne qui présente un potentiel de biopesticide.
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Brevetée cet été, cette préparation reste pour l’instant confidentielle. Contrairement aux résultats d’essais in vitro, réalisés par le laboratoire de l’Institut National de la Recherche Agronomique de Bordeaux. Sur des feuilles détachées, la préparation affiche des efficacités de « 100 % sur le mildiou, jusqu’à de très faibles doses (1 g/L) et sans risque de résistance (il n’y a pas d’attaque des mitochondries) » rapporte Laurent de Castro, qui ajoute que « pour le botrytis, la vitesse de développement est réduite de moitié ». Des résultats intéressants ont également été relevés sur quelques champignons responsables de maladies du bois. « On n’est pas sûr du tout de pouvoir aboutir à un traitement curatif de l’esca, mais on peut espérer un traitement prophylactiques sur les spores de champignon » précise l’œnologue.
ImmunRise prépare désormais ses essais sur vigne. D’abord en conditions contrôlées, sur des plants de pépinière cet hiver. Puis en conditions réelles, au vignoble en 2017. Des parcelles bordelaises sont prévues, mais des candidatures spontanées sont nées depuis la publication d’une dépêche AFP, la semaine dernière. Prévus sur trois ans, ces essais devront permettre d’améliorer la formulation actuelle de la préparation d’algues. Composée d’un ensemble complexe de molécules, elle ne présente qu’une plage d’efficacité de deux à trois jours. « On vise une durée de vie de dix jours, sachant qu’une fois transférées dans le sol et l’air, il faut que les molécules restent biodégradables » explique Laurent de Crasto. Travaillant sur les modalités d’action de sa préparation, l’entreprise exclut pour l’instant toute purification d’une molécule en particulier.
Partant sur trois ans d'essais et de développement, la start-up plaide pour un dossier d’Autorisation de Mise en Marché allégé dans le cas de produits naturels, biodégradables et efficaces. « Actuellement, le classement des bioprotecteurs est flou. Si l’on va dans la direction de critères identiques entre les biopesticides et les pesticides de synthèse, les petites structures comme la nôtre ne pourront pas tenir. Et ce seront les grandes firmes qui nous récupéreront » alarme Laurent de Crasto, craignant que l’émergence de solutions de biocontrôle ne soit étouffée dans l’œuf par l’agrochimie.
À noter qu’ImmunRise a également une autre micro-algue, au potentiel biostimulant, qui est en cours d’essais.
* : L’entrepreneur est également co-fondateur de Wine in Tube et d’une société produisant des arômes naturels pour cigarettes électroniques.