Pourquoi une technique soustractive sans additif, sans diminution aromatique et sans perte de vin n’est-elle pas autorisée pour les vinifications bio ? » se demande, depuis quatre ans, l’oenologue Yannick Le Gratiet. Directeur d’Oenodia*, il se pose d’autant plus la question que son produit phare, la stabilisation tartrique par électrodialyse, est interdit explicitement par le règlement européen de production des vins bio (alors qu’il est autorisé par celui américain, le NOP). « Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi l’électrodialyse est interdite. Personne n’a jamais su nous donner un argument. Il semble que l’Allemagne bloque, alors que les Français et Italiens y sont favorables» résume-t-il.


Depuis sa mise en place en 2012, la réglementation communautaire interdit explicitement le traitement des vins bio par électrodialyse. Ce qui a surpris certaines caves vinifiant des raisins bio qui utilisaient ces outils, en propre ou en prestation de service, rapporte Yannick Le Gratiet. Si les vins bio représentaient une activité mineure pour Oenodia, l’équipementier demande des explications, quitte à jouer les poils à gratter. « La réglementation bio est savoureuse, on peut se demander si sa philosophie se rapproche bien de celle des vignerons bio » lance le directeur d’Oenodia, prêchant son « procédé, qui est 80 % moins énergivore que le matraquage des cuves par le froid. Et l’électrodialyse n’utilise pas d’additif, comme le très peu bio acide métatartrique. »
Actuellement en cours de révision auprès de la Commission Européenne, la réglementation de vinification bio ne semble pourtant pas prête d’intégrer la stabilisation tartrique par électrodialyse. D’après nos renseignements, aucun pays n’aurait déposer de dossier demandant l’étude de l’électrodialyse. « A l'exception de quelques opérateurs, les vignerons bio ne sont pas demandeurs de la technologie. On entend au contraire plutôt les oppositions. Contrairement à l'osmose inverse qui ne touche qu'à l'eau, il y a modification de la matrice ionique du vin. Philosophiquement, c'est gênant » glisse un expert du sujet.
* : Division œnologique d’Eurodia Industrie, Oenodia a été fondée en 1988 à Pertuis. En 2015, son chiffre d’affaires s’élevait à 35 millions d’euros. Dans le monde, son parc s'élève à 220 machines (pour 40 000 m2 de membranes).
Pour la filière française, via Fance Vin Bio, les éléments prioritaires de la révision de la réglementation européenne bio concernent les autorisations d’autolysats, de colles à base de patate et de mise au point sur l’usage des enzymes. A noter que l’évaluation de l'osmose inverse, des résines échangeuses d’ions et des traitements thermiques sont reportés à 2018 (et restent donc autorisés).