n août 2009, la Commission européenne, dans le cadre des nouvelles pratiques œnologiques autorisées, adopte l'utilisation des gommes de cellulose (ou carboxyméthylcellulose) pour la stabilisation tartrique des vins tranquilles et des vins effervescents. Pourtant, une recommandation de l'OIV préconisait de limiter l'utilisation de ce produit aux seuls vins blancs et rosés. Etat de l'art.
En août 2009, la Commission européenne, dans le cadre des nouvelles pratiques œnologiques autorisées, adopte l’utilisation des gommes de cellulose (ou carboxyméthylcellulose) pour la stabilisation tartrique des vins tranquilles et des vins effervescents. Cette décision surprenante ne suit pas les recommandations de l’OIV, qui limite l’utilisation de ce produit aux seuls vins blancs et rosés.A juste titre semble-t-il. Les premiers essais réalisés sur les vins rouges sont loin d’être concluants. « Nous n’avons pas compris la décision de la Commission européenne concernant les CMC, confirme Michel Moutounet, une des grands spécialistes français de la stabilisation tartrique, par ailleurs expert à l’OIV. Quand nous avons travaillé sur cette question à l’OIV, nous avons admis cette pratique spécifiquement pour vins blancs. Habituellement, l’Europe suit les recommandations de l’OIV. Je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été le cas pour les CMC ». Lorsque les CMC ont été autorisées, les essais étaient en cours sur les vins rouges, explique-t-on à la Commission qui précise, qu’à la différence de l’OIV, l’Europe ne fait pas de recommandations mais accorde des autorisations pour des produits dont l’innocuité est établie, charge aux professionnels de les utiliser au mieux.
Que sont les CMC ?Les gommes de cellulose sont des produits utilisées depuis plus de 20 ans dans l’industrie agro-alimentaire (c’est le E466) et leur innocuité pour la santé des consommateurs a été établie. Elles ont la propriété d’inhiber la formation des micro-cristaux de tartre. Ces gommes agissent comme des colloïdes protecteurs. Elles empêchent la formation et la croissance des microcristaux de tartre, prévenant ainsi les précipitations de sels tartriques, bitartrate de potassium ou tartrate de calcium. Les CMC ont un coût très compétitif par rapport aux autres techniques de stabilisation tartrique : Pour un traitement à dose maximale autorisée (10g/hl), le coût de revient de la stabilisation tartrique ne dépasse pas 0,8 € par hl, alors qu’avec les mannoprotéines, il varie de 3,5 € (pour un traitement à 15g/hl) à 6 € (pour un traitement à 25 g/hl). Les techniques soustractives sont également plus chères : 1,5 à 3,5 €/hl pour la stabilisation par le froid, et 1,2 à 2 €/hl pour l’électrodialyse (7 si fait à façon). Expérimentées en Champagne depuis de nombreuses années, les CMC ont également fait l’objet d’une série d’expérimentations menées depuis 2009 par un groupe de travail national, comprenant l’IFV de Nantes, l’IFV Sud-Ouest, la Sicarex Beaujolais, l’IFV de Bordeaux et la Chambre d’Agriculture de Gironde, le centre du Rosé, Inter Rhône et l’ICV. L’objectif est de vérifier l’efficacité de la technique sur vins blancs et rosés comme sur vins rouges et de s’assurer de la stabilité dans le temps des vins traités au CMC. Ce groupe de travail rendra ses résultats définitifs fin 2011, mais d’ores et déjà, certaines grandes tendances se dégagent des deux premières années d’expérimentation.
Une efficacité avérée sur blancs et rosésComme l’avaient déjà démontré les essais champenois, les CMC sont efficaces sur vins blancs et rosés. « La stabilisation a été efficace dans 90% des cas sur vins blancs, affirme Lucile Pic de l’ICV ». « Nous avons constaté que les CMC n’entrainaient pas de modification organoleptique des vins blancs, quelque soit la dose d’utilisation», complète François Davaux, coordonnateur du groupe de travail national. Pour obtenir un bon niveau d’efficacité, il est cependant essentiel de bien homogénéiser les CMC dans le vin. Les CMC sont un produit très visqueux, il faut donc utiliser une pompe doseuse ou faire un remontage d’homogénéisation ou un brassage à l’azote pour s’assurer de la bonne répartition du produit dans le vin. Sur vins rosés, les résultats obtenus sont similaires à ceux des vins blancs avec cependant une légère réserve concernant la couleur : « Il faut être plus prudent sur rosé, car on peut observer des pertes de couleur », nuance Lucile Pic. Des essais complémentaires vont être menés cette année sur les rosés de Loire, à la couleur plus soutenue.
Des résultats aléatoires sur vins rougesLes premiers résultats du groupe national confirment les conclusions des essais menés dès 1999 par Michel Moutounet à l’Inra qui mettaient en évidence une moindre efficacité des CMC sur les vins rouges que sur les vins blancs. « La CMC a un effet retardant dans l’apparition des cristaux d’hydrogénotartrate de potassium mais ce rôle est insuffisant pour assurer la stabilisation tartrique des vins rouges qui présentent une forte instabilité (DIT supérieur à 15%)», observe Michel Moutounet. Des conclusions confirmées par les expérimentations du groupe national. «En 2009, nous avons travaillé sur 10 vins rouges de différents cépages. Nous avons obtenu des résultats très aléatoires. Même sur des vins faiblement instables (DIT à 8%), l’efficacité des CMC n’a pas été démontrée», indique Lucile Pic. L’allongement jusqu’à 15 jours de la durée de contact des CMC dans les vins n’a pas permis d’améliorer les résultats. « Les travaux du groupe de travail montrent que même si elle n'est pas totale, l'utilisation des CMC améliore nettement la stabilité tartrique des vins rouges », nuance François Davaux. « Par contre, les CMC ont un effet secondaire rédhibitoire : la formation d'un trouble qui peut être important avec pour conséquence des pertes de couleur et des risques de colmatage lors de la filtration. La turbidité qui peut être engendrée est très variable selon le vin considéré, le temps de stockage et la température subie, l’intensité du phénomène ayant un caractère aléatoire. L’exposition à de basses températures semblerait accroître l’importance des troubles. « Il semblerait que les CMC, qui ont une affinité pour les pigments anthocyaniques et plus généralement pour les composés phénoliques, interagissent, tout au moins en partie, avec des fractions de composés phénoliques en formant des agrégats intermoléculaires », avance Michel Moutounet dans la conclusion de ces travaux. « L’augmentation des doses admissibles de CMC pour le traitement spécifique de vins rouges n’est pas une solution, car le surdosage non seulement ne garantit pas l’obtention de la stabilité tartrique des vins fortement instables mais de surcroît il augmente les risques de troubles et de dépôt de matière colorante quel que soit le niveau d’instabilité tartrique des vins. De plus, une teneur de 10g/hl est déjà relativement élevée pour un produit totalement exogène au vin », affirme Michel Moutounet.
Des travaux à poursuivre«Dans l’état actuel de nos travaux, il nous paraît judicieux de ne pas recommander l’utilisation des CMC sur vins rouges. Les résultats sont trop aléatoires », estime François Davaux. A Inter Rhône, Nicolas Richard est un des seuls à avoir obtenus des résultats satisfaisants sur vins rouges : « avec des doses bien inférieures au maximum autorisé, à savoir 2 à 4g/hl, j’ai obtenu une bonne efficacité sur mes essais de vins rouges. Il faut ensuite bien positionner la filtration, ni immédiatement après traitement, ni trop longtemps après. Il semblerait qu’en filtrant 48 h après traitement, il n’y ait pas de problème de colmatage ». Des résultats qui méritent d’être confirmés par des essais complémentaires afin de mieux cerner les facteurs qui influent sur l’efficacité du traitement et peut-être, à terme, pouvoir proposer un mode opératoire très encadré, qui permettrait d’obtenir de meilleurs résultats sur vins rouges.
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